La Fin de Fausta
sur les dressoirs. Pendant que Pardaillan faisait entendre un petit sifflement admiratif, que Landry, qui les guignait tous du coin de l’œil, enregistrait comme un compliment précieux, pendant que Gringaille et Escargasse roulaient des yeux luisants comme des braises et se pourléchaient déjà les lèvres, Valvert s’était détourné de ces merveilles gastronomiques pour interroger Landry.
Il était d’ailleurs sans appréhension aucune : la mine épanouie de Landry Coquenard disait, d’une manière éloquente, qu’il n’avait que de bonnes nouvelles à donner.
– Tu as réussi ? demanda Valvert.
– Complètement, monsieur, fit Landry avec un sourire large d’une aune. Et, monsieur, devinez qui j’ai vu ?
– Que sais-je, moi !
– J’ai vu le seigneur Concini, révéla Landry d’un petit air détaché.
– Tu as vu Concini ! s’inquiéta Valvert. Heureusement, il ne t’a pas vu, lui ?
– Pardon, monsieur, il m’a très bien vu.
– Il ne t’a pas reconnu, alors ?
– Il m’a reconnu… j’ai eu un entretien assez long avec lui… Avec lui et M me Léonora.
– Tu es donc entré chez lui ? bondit Valvert.
– Oui, monsieur, fit Landry qui jouissait de son succès. Pardaillan, Escargasse et Gringaille s’étaient détournés de la table et suivaient cette conversation avec un intérêt des plus vifs. Et ménageant ses effets :
– Je ne dirai pas que j’ai pénétré dans son antre de plein gré… Mais enfin, le fait est que j’y suis entré et que je me suis entretenu avec lui.
Valvert leva vers le plafond deux bras stupéfaits. Et incrédule :
– Tu as vu Concini ?… Chez lui ?… Et il t’a laissé aller ?… Et te voilà ici ?… vivant ?… C’est impossible !… Tu veux nous en conter !…
– Le fait est que voilà une chose surprenante ! appuya Pardaillan.
– N’est-ce pas, monsieur, que c’est beau ! triompha Landry. Eh bien, voilà qui est plus beau encore : le seigneur Concini m’a accordé tout ce que je lui ai demandé.
– Tout ce que tu lui as demandé !… Que lui as-tu donc demandé ?
– D’abord, la permission de voir la pe… M lle Florence et de m’entretenir avec elle… ce qui m’a permis de lui remettre votre lettre.
– Et il te l’a accordée ? s’ébahit Valvert.
– Puisque je vous dis que je lui ai remis votre lettre.
– Et ensuite ?… Puisque tu as dit « d’abord », c’est qu’il y a un « ensuite ».
– Ensuite, je lui ai demandé une dot.
– Une dot ! s’effara Valvert. Et pour qui, bon Dieu ?
– Pour la petite, ventre de Dieu !
– Tu lui as demandé une dot pour Florence ?
– Oui, monsieur. Une dot rondelette, ma foi… Cent mille livres…
– Cent mille livres !…
– Pas une de moins.
– Et il t’a donné aussi ces cent mille livres ?
– Parfaitement !… Je me tue de vous dire qu’il m’a accordé tout ce que j’ai voulu. Au fond, ce n’est pas un mauvais bougre, le seigneur Concini… Il ne s’agit que de savoir le prendre. Aujourd’hui, j’ai su, moi !
Valvert regarda Pardaillan en hochant la tête. Et Pardaillan hocha la tête comme lui. Plus expressifs et moins réservés, Escargasse et Gringaille portèrent l’index à leur front. Ce qui voulait dire : il est fou.
Landry vit leurs mines, surprit ce geste. Il éclata de rire :
– Vous ne me croyez pas ? fit-il en riant comme un bienheureux. Vous ne me croyez pas, monsieur le chevalier ?… Et vous autres, non plus ?… Eh bien, nouveaux saints Thomas, regardez… et soyez convaincus !
En disant ces mots, Landry Coquenard, d’un geste vif, enleva la nappe qui cachait les sacs qui apparurent, correctement alignés en bataille, deux par deux.
Malgré cela, les quatre compagnons ne bougèrent pas. Evidemment, ils pensaient que les sacs ne contenaient que du sable, ou des pierres… ou des feuilles sèches. Ce que voyant, Landry fit entendre une série de grognements et de braiments, imités avec ce talent qui était si remarquable chez lui. Puis, imitant la voix glapissante des huissiers de la grand-chambre, il lança :
– Approchez, saints Thomas, regardez et touchez et oyez…
Et saisissant un des sacs, il l’éleva au-dessus de la table, le renversa d’un geste brusque. Les pièces tombèrent en cascade rutilante et bruissante sur la table, d’où elles rebondirent pour rouler sur le parquet avec le même tintement clair, si agréable à
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