La Fin de Fausta
désire.
– S’il en est ainsi, tu peux parler sans crainte. Il n’est rien que je ne fasse pour assurer le bonheur de ma fille bien-aimée.
Il parlait d’un air mi-sérieux, mi-plaisant. Il ne paraissait pas inquiet. Il était simplement intrigué. Il était clair qu’il ne soupçonnait pas le moins du monde où elle voulait en venir. Elle le comprit très bien. Mais, à son sourire indulgent, à ce regard chargé de tendresse dont il la couvait, elle comprit aussi qu’il avait dit vrai : il n’était rien qu’il ne fit pour assurer son bonheur.
Elle sentit qu’elle avait à peu près partie gagnée d’avance. Souriant, d’un sourire mutin, elle le prit par la main, l’attira avec une douce violence. Complaisamment, souriant toujours avec indulgence, il se laissa faire. Elle l’amena ainsi devant Pardaillan attentif. Et soudain, très grave, d’une voix qui se faisait de plus en plus câline, tout en restant suppliante, elle prononça :
– Je vous en conjure, faites votre paix avec M. de Pardaillan qui, malgré les apparences, malgré tout, au fond, est resté le meilleur de vos amis… le seul véritable ami, peut-être, que vous ayez jamais eu, mon père.
Le duc d’Angoulême fut surpris. Mais peut-être tout sentiment d’amitié n’était-il pas complètement mort en lui, car il ne se fâcha pas, il ne laissa voir aucune contrariété de cette tentative inattendue de sa fille. Il n’essaya pas de se dérober. Avec un air de dignité qui n’était pas sans grandeur, il accepta le débat qu’instituait cette enfant. Et, très sérieux à son tour, d’une voix grave, comme attristée :
– Faire ma paix avec Pardaillan ? Il n’est rien que je désire autant, pour cela, je suis prêt à bien des sacrifices, même les plus pénibles. Encore conviendrait-il de savoir si Pardaillan est disposé à l’accepter, cette, paix ?
Il était impossible de montrer plus de franchise et de sincérité. Cette franchise et cette sincérité lui faisaient honneur, car il faut reconnaître qu’après les paroles plutôt dures et humiliantes que Pardaillan lui avait lancées à la face, beaucoup, à sa place, eussent répondu par une fin de non-recevoir sèche et cassante. Incontestablement, soit calcul, soit reste d’affection, il faisait preuve de bonne volonté.
Comme il s’était adressé directement au chevalier pour poser sa question, celui-ci lui répondit :
– Duc, je suis prêt, quant à moi, à biffer de ma mémoire le souvenir du différend qui s’est élevé entre nous. Je suis tout disposé à vous tendre une main loyale. J’y suis d’autant plus disposé que j’apprécie à sa valeur la générosité du geste que vous venez d’accomplir.
Il y avait une pointe d’émotion contenue dans la voix de Pardaillan. Cette émotion se communiqua aux assistants. Emporté malgré lui, le duc d’Angoulême ouvrit les bras en disant :
– Eh ! mordieu ! embrassons-nous, d’abord !
– Je le veux de tout mon cœur, consentit Pardaillan. Seulement, au lieu de se jeter dans les bras du duc, il ajouta, en le fixant de son œil clair :
– Vous savez, duc, que nous ne redeviendrons bons amis qu’à la condition que je vous ai fait connaître à l’hôtel de Sorrientès.
Ces paroles produisirent sur le duc l’effet d’une douche. Ses bras retombèrent mollement. Et, reprenant son air froid et hautain :
– Vous maintenez cette condition ? dit-il.
– Il ne saurait en être autrement, et je pensais que vous, l’aviez bien compris ainsi, répondit Pardaillan, avec plus de tristesse que de réprobation.
– Vous n’en démordrez pas ? insista le duc de son même air froid.
– Non, fit sèchement Pardaillan.
– N’en parlons donc plus, répliqua le duc, sur un ton tranchant.
Et, se retournant vers Giselle qui, comme Violetta, comme Odet de Valvert et Landry Coquenard, avait suivi ce bref débat avec une attention passionnée, adoucissant la voix et l’attitude :
– J’ai fait ce que j’ai pu, dit-il Mais, tu le vois, mon enfant, M de Pardaillan demeure intraitable Ce n’est pas moi, c’est lui seul qui veut que nous restions ennemis Ne me parle donc plus de cette affaire.
Il pensait que tout était dit et qu’elle allait s’incliner, en fille obéissante qu’elle était, devant sa volonté ainsi exprimée, mais elle ne lâcha pas pied. Et, très respectueusement, mais avec une fermeté à laquelle il ne s’attendait certes pas :
– Au
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