La Fin de Fausta
comment pourra-t-elle le partager, ce trône ? En épousant le nouveau roi, c’est clair. Je te dis que je comprends tout maintenant, et que ce honteux marché a été accepté, dès le premier jour, par ton père !… Tu ne me crois pas ? Eh bien, interroge M. de Pardaillan. Il en sait beaucoup plus qu’il ne t’en a dit. Je l’autorise à parler, sans chercher des ménagements inutiles, puisque ma conviction est faite.
Ainsi mis en demeure de parler, Pardaillan n’hésita pas :
– C’est vrai : le marché a été accepté, dès le premier jour, par le duc, dit-il.
– Tu vois ! s’écria Violetta.
– Quelle honte ! murmura Giselle atterrée.
Sans lui laisser le temps de réfléchir, de chercher des excuses que, dans son ardente vénération filiale, elle n’eût pas manqué de trouver, Pardaillan posa nettement la question :
– Et maintenant, je te le demande : même en admettant que ton père y ait des droits indiscutables, en conscience, voudrais-tu, toi, d’une couronne acquise par les moyens honteux que je viens de t’indiquer ?
– Plutôt mourir ! cria-t-elle dans un élan d’indignation.
– Parbleu ! sourit Pardaillan, je savais bien que tu me ferais cette réponse ! Tu comprends, toi.
– Comment mon père, qui est la générosité et la loyauté mêmes, ne comprend-il pas, lui ? Peut-être lui avez-vous mal expliqué ?…
– Je lui ai très bien expliqué. Mais ton père, tout à son idée fixe, se bouche les oreilles pour ne pas entendre, se met un bandeau sur les yeux pour ne pas voir. Je ne vois qu’une personne au monde qui ait assez d’empire sur lui, pour lui faire entendre raison.
– Qui ?
– Toi.
– Moi !… Comment ?
– C’est un peu pour toi qu’il veut être roi : pour que tu deviennes fille de France.
– Mais je ne veux pas l’être. A ce prix-là du moins.
Une dernière fois, Pardaillan la fouilla de son œil perçant. Il la vit très sincère, très décidée à marcher résolument dans la voie qu’il lui désignerait. Et il indiqua ce qu’elle devait faire :
– Dis-le-lui donc. Et dis-le-lui, de manière qu’il se persuade bien que son autorité de père et de chef de maison sera impuissante à te faire revenir sur ta décision.
– Je le lui dirai, fit-elle résolument. Et pas plus tard que tout de suite, puisque le voici.
En effet, en ce moment même le duc d’Angoulême ouvrait la porte. Ce fut lui qui parla le premier. Il s’adressa à Pardaillan, et avec une froide politesse :
– Monsieur, dit-il, vous voyez que, quoi que vous en ayez dit, je n’ai pas voulu vous livrer aux gens qui vous cherchaient.
Pardaillan s’inclina froidement, sans prononcer un mot. Le duc, avec la même froideur polie, reprit :
– Il ne serait pas digne de moi de ne faire les choses qu’à demi. Je dois donc vous dire ceci : la rue, ainsi que les rues avoisinantes, vont être étroitement surveillées durant quelque temps. Je vous invite, ainsi que vos amis, à demeurer ici aussi longtemps que vous le jugerez nécessaire. Je veillerai à ce que vous ne manquiez de rien durant ce temps. Je veillerai également, mon honneur y est engagé, à ce que vous puissiez vous retirer, sans risquer de tomber aux mains de vos ennemis. Je vous avertis loyalement qu’à cela se bornera ce que je crois devoir faire en souvenir de notre ancienne amitié. Et, puisque vous avez absolument voulu que nous fussions ennemis, si, quand sorti sain et sauf de chez moi, je vous retrouve sur mon chemin, c’est en ennemi mortel que je vous traiterai.
Pardaillan allait répliquer par une de ces réparties mordantes, comme il savait en faire. Il n’en eut pas le temps. Giselle, voyant que son père avait fini de parler, s’approcha de lui, lui entoura le cou de ses bras blancs et potelés, et, de sa voix la plus câline, implora :
– Père, mon bon père !…
Sous la chaste caresse de l’enfant, le visage renfrogné du père s’illumina. Il oublia tout. Au reste, il comprit très bien qu’elle avait quelque chose à demander. Et, il encouragea avec un bon sourire :
– Que veux-tu, enfant gâtée ?
– Une grande grâce que je vous supplie de m’accorder, mon père.
– Eh ! comme te voilà émue. C’est donc bien grave ce que tu veux me demander ?
– C’est-à-dire que vous ferez de moi la fille la plus heureuse ou la plus malheureuse de la terre, selon que vous m’accorderez ou me refuserez ce que je
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