La Fin de Pardaillan
situation terriblement humiliante pour elle. Il n’en fut rien. Elle garda cette allure majestueuse qui lui était habituelle. Il lui sembla même qu’au contraire elle faisait son allure plus lente encore que de coutume. Et en réglant son pas sur le sien, il ne put s’empêcher d’admirer en son for intérieur :
« Allons ! c’est un beau joueur !… Impossible de perdre une aussi formidable partie avec plus d’élégante désinvolture !… »
Durant les quelques pas qu’ils firent pour arriver à la porte, Fausta se retourna plusieurs fois pour donner un coup d’œil au corps de d’Albaran. Et Valvert, qui l’observait avec une attention soupçonneuse, fit encore cette réflexion :
« Malgré le calme incomparable qu’elle montre, il est certain qu’elle doit éprouver un certain déchirement à abandonner ainsi, sans soins, un fidèle serviteur, tombé sous ses yeux, en voulant la défendre. »
Avant de franchir le seuil de la porte, Fausta, s’arrêta et se retourna une dernière fois. Si bien que Valvert crut devoir lui dire :
– Rassurez-vous, madame, j’ai simplement voulu l’étourdir et non point le tuer. Il n’est pas en danger. Dans quelques instants il reviendra à lui et il n’éprouvera pas d’autre mal qu’une certaine lourdeur dans la tête, une certaine faiblesse dans les membres. Dans vingt-quatre heures, il n’y paraîtra plus.
Ces paroles parurent calmer l’inquiétude de Fausta. Quelque chose comme une ombre de sourire passa sur ses lèvres, et elle remercia d’un léger signe de tête.
Ils se mirent en route. Fausta, peut-être emportée par l’habitude, continuait de garder une allure d’une lenteur énervante pour Valvert qui, ayant hâte d’en finir, avait maintenant essayé, à diverses reprises, de lui faire allonger le pas. Ils finirent cependant par aboutir aux caves. Fausta marchait sans hésitation avec l’assurance de quelqu’un qui connaît très bien les lieux. Elle vint s’arrêter devant une porte de fer sans serrure apparente. Avec le falot dont ils s’étaient munis avant de s’enfoncer dans les entrailles de la terre, Valvert l’éclaira, et pendant qu’elle ouvrait la porte en actionnant un ressort, il criait joyeusement :
– Ho ! monsieur de Pardaillan ! c’est moi, Odet… Vous allez être libre !…
La porte ouverte, pour marquer qu’elle était de bonne foi, Fausta entra la première. Valvert la suivit, son falot à la main, un peu étonné de voir que Pardaillan ne lui répondait pas. Ils entrèrent, et un double cri de déception leur échappa à tous les deux : le caveau était vide. Pas de Pardaillan, personne, pas un être vivant là-dedans.
– Par l’enfer, madame, gronda furieusement Valvert, si c’est une trahison, je vous jure que vous allez la payer cher !
En disant ces mots, il sortait vivement son poignard et se jetait entre la porte et elle.
D’ailleurs, Fausta ne songeait pas à fuir. Pour une fois, elle n’avait pas cherché à se dérober par une trahison. Elle était aussi stupéfaite que lui.
– Je n’y comprends rien ! s’écria-t-elle.
Evidemment, elle était sincère. Manifestement, cette disparition fantastique était tout à fait imprévue pour elle. Odet de Valvert comprit qu’elle n’avait pas voulu le trahir, qu’elle ne jouait pas une comédie. Quand même, il se méfiait, malgré tout. Il continuait à lui barrer le passage et il la surveillait plus attentivement que jamais. Elle, elle ne prêtait aucune attention à son attitude menaçante. Elle ne faisait pas un mouvement, ne disait pas un mot. La seule chose qui paraissait l’intéresser pour l’instant était cette inexplicable disparition de Pardaillan qu’elle cherchait à s’expliquer en furetant partout du regard.
– Etes-vous sûre de ne pas vous être trompée ? demanda Valvert qui, tout en se tenant toujours sur ses gardes, ne doutait plus de sa bonne foi.
– Je connais ma maison, j’imagine, protesta-t-elle avec un accent d’indéniable sincérité. D’ailleurs, voyez : le caveau est rond. Nous sommes bien dans la tour ronde. Et l’hôtel, vous le savez, n’a qu’une tour ronde.
C’était vrai : le caveau était rond.
« Par Dieu ! se dit Valvert, M. de Pardaillan n’est pas homme à attendre stupidement qu’on vienne le tirer d’embarras. Il a l’habitude de faire ses affaires lui-même, et sans traîner. Il a dû trouver moyen de s’évader de ce cachot. Mais comment ?
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