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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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somnambulisme, Dom Corvaisis se contraignit à s'épuiser systématiquement, méthodiquement. Il avait l'intention d'être tellement fourbu à la tombée de la nuit qu'il dormirait comme une souche profondément enfouie dans la terre. A sept heures du matin, alors que la brume fraîche de la nuit s'attardait encore dans les canyons et emmitouflait les arbres, il commença par une demi-heure de vigoureux exercices de gymnastique, sur le patio qui donnait sur l'océan, puis il enfila ses chaussures de course et parcourut dix kilomètres assez éprouvants dans les rues en pente de Laguna. Il passa les cinq heures suivantes à faire de gros travaux dans son jardin. Ensuite comme la journée était chaude il enfila son maillot de bain, mit des serviettes dans la Firebird et gagna la plage. Il prit un court bain de soleil et nagea longtemps. Après avoir dîné au Picasso's, il marcha pen-

    dant une heure dans les rues commerçantes o˘
    fl‚naient quelques rares touristes en cette période hors saison. Enfin il revint chez lui.
    En se déshabillant dans la chambre, il eut l'impression d'être Gulliver et que mille Lilliputiens essayaient de le faire tomber en tirant sur des lignes plantées dans son corps. Il ne buvait que rarement, mais il s'envoya une grande rasade de Rémy Martin, une fois au lit, il s'endormit dès qu'il eut éteint.
    Les crises de somnambulisme étaient de plus en plus fréquentes et ce problème était désormais au coeur de son existence. Il empiétait sur son travail. Le nouveau livre était mis de côté, lui qui avait si bien commencé
    et qui contenait quelques-unes des meilleures pages qu'il e˚t jamais écrites. Au cours des deux dernières semaines, il s'était réveillé neuf fois dans le placard, dont quatre fois les quatre dernières nuits. Son tourment avait cessé de l'intriguer ou de le passionner. Il avait désormais peur d'aller se coucher parce que, une fois endormi, il n'exerçait plus aucun contrôle sur lui-même.
    Hier, vendredi, il était finalement allé voir un médecin, le Dr Paul Cobletz, à Newport Beach. D'un trait, il avait tout raconté à Cobletz de son somnambulisme, mais s'était trouvé incapable d'exprimer ce qu'il pouvait y avoir de sérieux et de profond dans sa préoccupation. Dom avait toujours été très secret: c'était la conséquence d'une enfance passée dans une douzaine de foyers d'adoption sous la tutelle de parents nourri-ciers parfois indifférents, voire hostiles. Il se refusait à partager ses pensées les plus intimes et ses opinions les plus importantes sauf par le truchement des personnages de ses livres.
    De sorte que Cobletz ne s'était pas montré inquiet outre mesure. Après un examen médical approfondi il annonça à Dom qu'il le trouvait dans une forme exceptionnelle. Il attribuait ses crises de somnambulisme au stress, à la publication prochaine de son ouvrage.
    ´ Vous ne croyez pas que je devrais passer des examens ? demanda Dom.
    -Vous êtes écrivain et vous laissez vagabonder votre imagination, c'est cela, hein ? dit Cobletz. Vous pensez à une tumeur au cerveau, je ne me trompe pas ?

    - Eh bien... oui.
    - Ecoutez-moi, Dom voilà ce que vous allez faire.
    Oublions les examens ét encore plus la psychothérapie. Vous allez laisser tomber votre bouquin pendant quelques semaines. Ne vous creusez pas la tête, faites du sport, couchez-vous bien fatigué par votre journée et je vous assure qu'à ce rythme-là vous serez guéri en quelques jours. J'en suis convaincu. ª
    Le samedi, Dom commença le traitement que lui avait prescrit le Dr Cobletz et se consacra à des activités physiques avec encore plus d'acharnement que le médecin ne le lui avait recommandé. De sorte qu'il sombra dans un sommeil de plomb à l'instant même o˘ il posa la tête sur l'oreiller. Le lendemain, il ne se réveilla pas dans le placard.
    Il ne se réveilla pas non plus dans son lit. Cette fois-ci, il se trouvait dans le garage.
    Il reprit conscience dans un état proche de la terreur, haletant, hoquetant, le coeur battant à tout rompre. Il avait la gorge sèche, les poings serrés. Il avait mal partout, ce qui s'expliquait en partie par l'excès d'exercices physiques de la veille, mais surtout par le fait qu'il avait dormi dans une position vraiment peu confortable. Pendant la nuit, il avait sans s'en rendre compte pris deux b‚ches sur une étagère et s'était recroquevillé dans un espace très étroit derrière l'établi. C'était là qu'il se

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