La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
je le partage avec Sandy. Mais Ernie, le Dr Weiss, Lomack et moi, nous avons toujours conservé un résidu de peur. Sandy nous dit que l'effet sur elle a été exclusivement bénéfique. Comment pouvons-nous être affectés aussi différemment ? Sandy, vous n'avez jamais peur ?
-Jamais. ª
Depuis l'instant o˘ il avait tiré une chaise pour s'installer à table, Ernie se tenait les épaules vo˚tées, la tête baissée, comme s'il se protégeait. Soudain, il se redressa et parut se détendre. Il but un peu de bière.
Óui, la peur est au coeur de tout ça. Mais vous vous souvenez de l'endroit dont je vous ai parlé, le long de la nationale, à quelques centaines de mètres d'ici ? Je suis s˚r qu'il s'y est passé quelque chose de bizarre et que cela a un rapport avec notre lavage de cerveau.
quand je suis là-bas, j'éprouve autre chose que de la peur. Mon coeur se met à battre... je suis nerveux, mais ce n'est pas négatif. Il y a de la peur, c'est certain, c'est même cela qui est le plus important, mais il y a tout un tas d'autres émotions.
-Je crois que l'endroit dont parle Ernie est le même que celui o˘ je me rends souvent quand je prends la camionnette, dit Sandy. Je me sens comme...
attirée.
- Je m'en doutais ! s'écria Ernie. quand on est revenus de l'aéroport, vous avez ralenti en passant devant et je me suis dit à moi-même: "Sandy le sent aussi."
-qu'est-ce que vous éprouvez au juste quand vous allez là-bas ? demanda Faye.
-Un sentiment de paix, dit-elle avec un sourire chaleureux. Je me sens en paix. C'est difficile à expliquer, mais c'est comme si les rochers, la terre, les arbres, tout irradiait l'harmonie, le calme.
- Moi, je ne m'y sens pas en paix, la coupa Ernie.
Une drôle d'excitation, oui. Le sentiment curieux que quelque chose de... de bouleversant va arriver. Et je l'attends, oh oui, je l'attends, bien que j'en crève littéralement de trouille.
-Je ne ressens rien de tout cela, dit Sandy.
- Nous devrions aller là-bas, suggéra Ned. Pour voir si cet endroit nous fait aussi quelque chose.
- Nous irons demain, dit Corvaisis. quand il fera jour.
- Je me rends bien compte que nous ne réagissons pas tous de la même façon, dit Faye. Mais pourquoi est-ce que cela a modifié la vie de Dom, de Sandy et d'Ernie-sans parler du Dr Weiss et de ce Lomack, à Reno-, et que Ned et moi ne sentons pas la différence ? Comment se fait-il que nous n'ayons aucun problème ?
- Il se peut que le lavage de cerveau ait mieux pris sur Ned et sur vous-même ª, dit Corvaisis.
Ned frissonna à nouveau à cette idée.
Ils discutèrent un instant de leur situation, puis Ned proposa à Corvaisis de reconstituer ses faits et gestes du vendredi 6 juillet jusqu'au moment o˘ ses souvenirs avaient disparu. ´ Vous vous souvenez mieux que nous du début de la soirée. quand vous êtes arrivé ici ce soir, vous étiez sur le point de vous rappeler un détail important.
- Et ce coup-ci, vous aurez notre soutien moral ª, dit Faye.
L'écrivain se leva, prit son verre de bière et marcha jusqu'à la porte du restaurant. Il tourna le dos à la porte, but une longue rasade de Dos Esquis et observa la salle afin d'y retrouver les personnages d'une autre époque.
Íl y avait trois ou quatre types installés au comptoir. Peut-être une douzaine de clients en tout. Je ne me souviens pas de leurs visages. ª S'éloignant de la porte, il passa devant Ned et les autres et s'installa à
la table voisine. Il tira une chaise et leur tourna partiellement le dos. ´ J'étais assis là. Sandy est venue prendre la commande. J'ai bu une bouteille de Coors pendant que je consultais le menu. J'ai pris un sandwich au jambon, des frites. En salant les frites, la salière m'a échappé et s'est renversée. J'ai jeté une pincée de sel par-dessus mon épaule. Un peu loin, peut-
être. Le Dr Weiss ! Ginger Weiss, c'est sur elle que j'ai lancé du sel. Je ne m'en souvenais pas, mais j'en suis s˚r maintenant. C'est la blonde de la photo. ª
Faye désigna le Polaroid posé sur la table.
Toujours à la table voisine, Corvaisis poursuivit: Úne belle fille, oui, je ne pouvais pas m'empêcher de la regarder. ª D'une voix soudain étrange, comme si elle venait de son passé, il dit: Élle est assise dans le coin tout près de la fenêtre. Le soleil va se coucher, on dirait une grosse boule de feu à l'horizon, et la salle est emplie d'une lumière orangée. On dirait presque un incendie. C'est le crépuscule maintenant.
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