La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
compte qu'au moins trois de ses fausses identités étaient éventées. Il avait loué
le coffre sous le nom de Farnham, mais il s'était inscrit au motel sous celui de Wainwright. Ses deux noms de guerre étaient maintenant connus et la seule façon de les relier avait été de les associer à celui de Philippe Delon, identité sous laquelle il résidait dans son appartement de la Cinquième Avenue.
Abasourdi, il pensait néanmoins à toute vitesse. qui pouvait être son ennemi ? Pas la police ou le FBI, qui se seraient contentés de l'arrêter, une fois les preuves réunies. Ni aucun des hommes avec lesquels il faisait ses coups; tous ignoraient son adresse, et ne pouvaient le joindre que par un système compliqué de numéros de téléphone avec répondeur. En outre, un braqueur n'aurait pas résisté à l'attrait des vingt-cinq mille dollars.
qui ai-je aux fesses ? se demandait Jack.
Il revint sur le casse dans l'entrepôt de la Mafia, les hommes de la fratellanza avaient suffisamment de contacts, de moyens et de détermination pour retrouver quelqu'un; et laisser les vingt-cinq mille dollars leur ressemblait assez: c'est plus que notre fric que nous voulons-ta peau. Déposer une carte postale était aussi leur genre, afin que la cible fasse dans son froc avant qu'ils appuient sur la détente. Mais de là à aller en chercher une du Tranquility Motel... Non, puisqu'ils ne pouvaient savoir qu'il y avait séjourné.
Mais alors, qui ?
Jack eut l'impression que les murs de la petite pièce se refermaient sur lui. Il se sentait claustrophobe et vulnérable. Il rangea les vingt-cinq mille dollars dans la poche intérieure de son imperméable. Plus question de distribuer son argent: il en avait besoin pour prendre la fuite. Il rangea la carte postale dans son portefeuille, remit le coffre à sa place et sonna pour appeler l'employee.
Deux minutes plus tard, il était dans la rue. Respirant à pleins poumons l'air frais de janvier, il observa les badauds. Personne ne semblait le suivre.
Immobile comme un rocher parmi le flot des passants, il se demanda qui pouvait s'opposer ainsi à lui, comment on avait fait pour dévoiler ses différentes identités, mais aussi ce qu'on attendait de lui.
Jack prit un taxi devant l'agence et se rendit à l'angle de Wall Street et de William Street, au coeur du quartier de la finance, o˘ il avait loué six coffres dans six banques différentes. Il se rendit dans cinq d'entre elles, prenant chaque fois vingt-cinq mille dollars et une carte postale du Tranquility Motel.
Il décida de s'arrêter à la cinquième agence. Les poches de son imperméable abritaient cent vingt-cinq mille dollars, ce qui lui suffisait largement pour voyager. Il ne se souciait pas vraiment de laisser de l'argent dans les autres coffres. Parce qu'il avait placé quatre millions sur ses comptes en Suisse. Et aussi parce que celui qui déposait les cartes postales se serait déjà
servi si telle avait été son intention.
Jack avait eu largement le temps de penser au motel perdu en plein Nevada et il commençait à trouver bizarre d'être resté si longtemps dans un tel endroit.
Il y avait en effet passé trois jours à lire et à admirer le paysage. Pour la première fois, il lui semblait que c'était impossible-pas avec tant d'argent caché dans le coffre de sa voiture de louage. Pas quand cela faisait deux semaines qu'il se trouvait loin de New York-et de Jenny. Il aurait d˚ rentrer d'une seule traite depuis Reno. Ce séjour de trois jours au Tranquility Motel était inexplicable.
Un autre taxi le conduisit à son appartement de la Cinquième Avenue, o˘ il arriva peu avant onze heures.
Il appela tout de suite la compagnie Elite Flights, qui louait de petits avions à réaction et à qui il avait déjà
eu affaire. Un Lear lui fut immédiatement réservé.
Il ôta les vingt-cinq mille dollars du compartiment secret. Cela lui faisait maintenant cent cinquante mille dollars, de quoi parer à toute eventualité.
Il prit trois valises dans lesquelles il répartit quelques vêtements. Il y avait beaucoup de place libre pour ce qu'il comptait emporter d'autre. Il rangea deux armes de poing: un Smith & Wesson Magnum calibre 19, capable de tirer les cartouches du 357
Magnum, mais aussi celles du 38 Special, avec bien moins de recul, cependant; et un Beretta calibre 32
modèle 70 au canon duquel pouvait s'adapter un silencieux. Il prit aussi une petite mitraillette Uzi, illégalement modifiée pour
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