La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
quinze minutes plus tard, cela veut tout de même dire que l'armée avait déjà établi des barrages.
-Ils savaient donc que quelque chose allait se produire.
-Mais ils ne pouvaient pas l'empêcher.
-Ce qui signifie que l'on a affaire à une série d'événements qu'ils ont déclenchés mais n'ont pas pu contrôler, ensuite.
- Possible, admit Dom, mais pas certain. Leur responsabilité n'est pas forcément engagée. Pour l'instant, ce n'est que de la spéculation. ª
Ginger tourna les pages du Sentinel du 11 juillet et poussa un petit cri de surprise en découvrant la photo en buste d'un officier en casquette et uniforme. Bien que le colonel Leland Falkirk n'e˚t été présent ni dans le rêve de Ginger ni dans celui de Dom, ils le reconnurent instantanément gr‚ce à la description qu'en avaient faite Ernie et Ned.
Dom lut la légende de la photo: Le colonel Leland Falkirk, officier responsable de la brigade du Gisa chargée des opérations de quarantaine, s'est montré très discret devant les journalistes. Ce portrait, le premier qu'on ait de lui, est d˚ à notre photographe, Greg Lunde. Surpris par notre collaborateur, le colonel Falkirk a manifesté son déplaisir et n'a repondu que par le traditionnel śans commentaires ª à toutes les ques-
tions qui lui ont été posées.
Dom ne put que sourire devant l'humour involontaire de cette dernière phrase, mais le visage hiérati-que de Falkirk le glaçait. Il y avait dans son regard de prédateur une férocité effrayante: l'homme était habitué à obtenir tout ce qu'il voulait. Etre à sa merci constituait une perspective peu agréable.
Ginger observa la photo de Falkirk et dit à voix basse: ´ Kayn aynhoreh. ª Devant l'étonnement de Dom, elle précisa: ´ «a aussi, c'est du yiddish. Kayn aynhoreh, c'est une expression pour écarter le mauvais oeil. C'est de circonstance, non ? ª
Tandis que Ginger et Dom lisaient les vieux numéros du journal local, Ernie et Faye Block tentaient de contacter ceux qui avaient inscrit leur nom sur le registre en cette soirée du 6 juillet et qu'ils n'avaient encore pu joindre. C'était le cas de Gerard Salcoe, l'homme qui avait pris deux chambres pour sa famille, et de Cal Sharkle, leur ami routier. De leur côté, Ned et Sandy Sarver élaboraient le dîner dans la cuisine du premier étage du motel. Ce soir, après l'arrivée de Brendan Cronin ainsi que de Jorja Monatella et de sa petite fille, ils seraient neuf à table et Ned ne voulait pas avoir tout à faire à la dernière minute. Ned et Sandy avaient décidé que le repas de ce soir devrait ressembler à
celui de la traditionnelle fête de Thanksgiving. Ils préparèrent donc une énorme dinde de près de seize livres ainsi que tous les légumes habituellement servis avec.
Après avoir passé trois heures dans les bureaux du Sentinel, Ginger et Dom prirent un repas léger dans un snack d'Idaho Street, puis regagnèrent le Tranquility Motel vers deux heures et demie de l'après-midi.
Faye et Ernie étaient toujours à la réception. Il flottait dans l'air une agréable odeur de pain en train de cuire et de légumes.
´Vous ne pouvez pas encore sentir la dinde, dit Faye. Ned ne l'a mise à cuire qu'il y a une demi-heure.
-Il dit qu'on passera à table à huit heures, mais cela ne m'étonnerait pas qu'on prenne d'assaut la cuisine un peu plus tôt ª, fit Ernie en riant.
Faye demanda: ´ Vous avez appris quelque chose au journal ? ª
Ginger et Dom n'eurent pas le temps de lui répondre.
La porte du motel s'ouvrit et un homme un peu obèse bien qu'encore assez jeune entra en trombe. Il était descendu de voiture sans prendre la peine de passer un manteau. Bien qu'il port‚t un pantalon de flanelle grise, un veston bleu, une chemise claire et un pull plutôt qu'un costume noir et un col romain, on ne pouvait avoir aucun doute sur son identité. C'était le prêtre aux cheveux auburn, au visage rond et aux yeux verts dont le mystérieux correspondant avait adressé une photo à Dom.
´ Père Cronin ª, dit Ginger.
Elle se sentit attirée par lui, aussi immédiatement et aussi intensément qu'elle l'avait été par Dom Corvaisis. Ginger courut jusqu'à lui et le serra dans ses bras.
De toute évidence, le père Cronin ressentait la même chose qu'elle. Sans hésitation, il l'embrassa et ils restèrent un moment enlacés, non pas comme des étrangers, mais comme un frère et une soeur qui se retrouvent après une longue séparation.
Puis Ginger
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