La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
s'écarta et Dom dit: ´Mon père ª, s'avançant à son tour pour serrer le prêtre contre lui.
Ínutile de m'appeler ainsi. Pour l'heure, je ne veux ni ne mérite d'être considéré comme un prêtre.
Appelez-moi Brendan, tout simplement. ª
Ernie appela Ned et Sandy, puis il vint saluer Brendan en compagnie de Faye. Brendan serra la main d'Ernie et embrassa Faye. Il était clair qu'il avait beaucoup d'affection pour eux, mais qu'il n'éprouvait pas ce formidable et inexplicable magnétisme qui l'avait attiré vers Ginger et Dom. quand Ned et Sandy furent descendus, il se comporta avec eux comme avec Ernie et Faye.
Brendan dit: ´J'ai vraiment l'impression... de me retrouver en famille. Vous aussi n'est-ce pas ? Comme si nous avions vécu ensemble les moments les plus importants de notre vie... vécu quelque chose qui nous rend à tout jamais différents des autres. ª
Bien qu'il répét‚t qu'il n'était pas digne de la défé-rence accordée habituellement aux prêtres, Brendan Cronin respirait la spiritualité. Son visage un peu trop rond, ses taches de rousseur et son sourire étaient synonymes de béatitude. Il se déplaçait parmi ses nouveaux amis, les touchait et leur parlait avec un entrain quasi contagieux qui mettait Ginger en joie.
Brendan dit: Će que j'éprouve ici me dit que j'avais raison de vouloir venir. Il fallait que je sois avec vous.
Appelé, oui, c'est cela, j'ai été appelé. Nous avons tous été appelés.
-Regardez!ª s'écria Dom. Il tendit les mains et présenta ses paumes pour montrer à tous les anneaux de chair rouge qui venaient d'y apparaître.
Surpris, Brendan présenta également ses paumes, marquées des mêmes stigmates.
Ńous avons été appelés ª, répéta Brendan.
Ginger était tendue. Elle se tourna vers Ernie, qui avait posé les mains sur les épaules de sa femme.
Leurs visages étaient graves. Près du tourniquet de cartes postales, Ned et Sandy se tenaient par la main.
Ginger sentit un picotement dans la nuque. Il va arriver quelque chose, pensa-t-elle.
Toutes les lampes de l'hôtel étaient allumées à cause de la peur de l'obscurité d'Ernie mais, tout à coup, la lumière se fit plus vive. Une lueur laiteuse envahit la réception, née de chaque molécule d'air, et planant au-dessus d'eux, semblable à une brume d'argent. Ginger sut que c'était cette même lueur qui se manifestait dans tous ces rêves de lune dont elle n'avait aucun souvenir. Elle tourna lentement sur elle-même, non pas pour tenter de découvrir la source de cette lumière magique, mais dans l'espoir de se rappeler ses rêves ainsi que les événements lointains qui les inspiraient.
Ginger vit Sandy refermer ses doigts sur l'air comme pour emprisonner les molécules merveilleuses. Un sourire se dessina sur les lèvres de Ned, sur celles de Faye aussi, et un air enfantin se plaqua sur les traits pourtant virils d'Ernie.
´ La lune, dit Ernie.
- La lune ª, répéta Dom, dont les mains portaient toujours les stigmates.
Un instant, un instant seulement, Ginger fut sur le point de tout comprendre. La membrane sombre qui bloquait ses souvenirs fut sur le point de se rompre, les souvenirs enfouis semblaient devoir se déverser en un torrent impétueux.
Puis la lumière passa du blanc crémeux au rouge sang et l'esprit de chacun passa de l'émerveillement et du plaisir à la peur. Ginger ne désirait plus la révélation, elle la redoutait et battait en retraite devant elle, terrorisée, révulsée.
Elle recula, se cogna à la porte. De l'autre côté de la pièce, derrière Dom et Brendan, Sandy Sarver avait cessé de saisir la lumière à pleines mains. Elle s'accrochait désespérément à Ned, dont le sourire s'était changé en un rictus de dégo˚t. Faye et Ernie semblaient plaqués au comptoir.
Ginger sursauta quand un bruit sourd retentit, ébranlant l'air ensanglanté, un bruit qui se répéta avec l'insistance d'un coeur qui bat-un coeur gigantesque n'offrant pas deux, mais trois monstrueuses pulsations: LEUB-DEUB-deub, LEUB-DEUB-deub, LEUB-DEUB-deub... Elle sut instantanément que c'était là le bruit que le père Wycazik avait évoqué au cours de sa conversation téléphonique avec Dominick, le rythme ternaire qui avait surgi dans la chambre de Brendan Cronin et secoué tout le rectorat de Sainte-Bernadette.
Mais elle savait également qu'elle avait déjà entendu ce bruit-là auparavant. Toutes ces manifestations-la lumière lunaire, le rayonnement d'un rouge de
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