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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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claustrophobe par la chape de frayeur irrationnelle qui s'était abattue sur elle, elle repoussa violemment le fauteuil du bureau et se leva. Le souffle court, elle se sentait glacée jusqu'à la moelle des os.
    La lentille de l'appareil ressemblait à un oeil unique, inhumain.
    Il faut courir ou périr, lui dit une petite voix. Courir ou périr.
    Un cri lui échappa, un cri qui ressemblait à l'appel désespéré d'un enfant perdu et terrifié.
    Elle fit le tour du bureau, trébucha, faillit tomber en renversant une chaise. Elle traversa la pièce, fit irruption dans la pièce suivante et s'enfuit dans le couloir désert, gémissant sur un mode suraigu, à la recherche d'une sécurité qu'elle ne trouvait nulle part.
    Elle voulait de l'aide, voir un visage ami, mais elle était la seule personne à l'étage et le danger se rapprochait.
    La menace inconnue qui, d'une manière mystérieuse se dissimulait dans l'inoffensif ophtalmoscope la talonnait de plus en plus près tandis qu'elle courait aussi vite qu'elle pouvait, le martèlement de ses pas se répercutant dans le corridor.
    Courir ou périr.
    Une brume fondit sur elle.
    Plusieurs minutes s'écoulèrent. quand elle reprit conscience, elle vit qu'elle se tenait dans l'escalier de secours, tout au bout du b‚timent administratif, entre deux étages. Elle ne se souvenait pas d'avoir quitté le bureau et pris l'escalier. Elle était assise sur une marche, tassée contre le béton du mur, le visage tourné
    vers la rampe métallique. Une ampoule brillait faiblement. Des marches montaient, des marches descendaient. Le silence e˚t régné en maître s'il n'y avait eu sa respiration.
    C'était un endroit désert, en particulier pour quelqu'un dont la vie éclatait par toutes les coutures et qui avait besoin d'être rassuré par des lumières brillantes et des visages souriants. Les murs gris, la lumière crue, les ombres menaçantes, la rambarde métallique... le lieu semblait être le reflet de son propre désespoir.
    Personne, évidemment, n'avait été témoin de sa fuite éperdue et des comportements bizarres qu'elle avait pu avoir pendant cette inexplicable fugue, sans quoi elle ne se serait pas retrouvée seule. Au moins, elle avait échappé à ça: au moins, personne n'était au courant.
    Mais elle l'était, et cela suffisait.
    Elle frissonna. Pas vraiment de peur, parce que la terreur aveugle l'avait abandonnée. Mais tout simplement de froid. Ses vêtements trempés de sueur lui col-laient à la peau.
    Elle leva la main et s'essuya le visage.
    Elle se redressa, observa l'escalier. Elle ne savait pas à quel étage elle se trouvait. Au bout d'un instant, elle décida de monter.
    Ses pas résonnèrent de façon lugubre.

    Pour quelque raison inconnue, elle pensa à un tombeau.
    ´ Messhugene ª, dit-elle d'une voix mal assurée.
    C'était le 27 novembre.
    Chicago, Illinois
    Il faisait froid en cette première matinée dominicale de décembre et le ciel gris et bas était annonciateur de neige. Les premiers flocons allaient tomber au cours de l'après-midi, et dès le début de la soirée, toute la ville
    -son visage sinistre comme ses atours souillés-se retrouverait temporairement dissimulée sous le maquillage d'un blanc immaculé de la neige. Et cette nuit, de la Gold Coast jusqu'aux quartiers des taudis, partout dans la ville, le premier sujet de conversation serait la tempête. Partout, sauf dans les logis des catholiques romains de la paroisse Sainte-Bernadette, o˘ l'on parlerait davantage du comportement cho-quant qu'avait eu le père Brendan Cronin pendant la première messe du matin.
    Le père Cronin se leva à cinq heures et demie, dit sa prière, prit une douche, se rasa, mit sa soutane et sa barrette avant de quitter le presbytère, bréviaire à
    la main, sans même prendre la peine de passer un manteau. Il s'attarda un moment sous le porche à respirer à pleins poumons l'air froid de décembre.
    Il avait trente ans, mais ses yeux verts et francs, ses cheveux roux et ses taches de rousseur le faisaient paraître bien plus jeune. Il avait vingt-cinq bons kilos de trop et, de l'enfance au séminaire en passant par le lycée, il s'était toujours vu surnommer Bouboule.
    quel que f˚t son véritable état émotionnel, le père Cronin avait pratiquement toujours l'air heureux. Son visage était celui d'un chérubin dont les formes jouf-flues ne sont pas faites pour exprimer la colère ou la mélancolie. Ce matin-là, il avait l'air particulièrement

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