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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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Elle avait craint d'être une nouvelle fois en état de fugue.
    Et si cela s'était produit alors qu'elle avait le scalpel à la main ou qu'elle recousait un greffon...
    A cette idée, ses yeux s'élargirent. Le sommeil qui s'avançait à pas de loup battit en retraite comme un cambrioleur surpris en pleine action. Longtemps, elle resta allongée, raide, scrutant la pénombre de sa chambre, dans laquelle le mobilier prenait des formes menaçantes tandis que les rideaux, incomplètement tirés devant la fenêtre, laissaient voir une bande vitrée qu'argentaient à la fois le clair de lune et la lumière qui montait des lampadaires de la rue en dessous.
    Pouvait-elle accepter la responsabilité d'être le maître d'oeuvre d'une opération aussi délicate qu'une greffe de l'aorte ? Elle ne referait certainement jamais de crise. C'était un phénomène tout à fait passager.
    Mais oserait-elle mettre cette théorie à l'épreuve ?
    Le sommeil parvint finalement à l'engloutir.
    Le mardi, après une visite sans problème à la char-

    cuterie juive, de bons petits plats et plusieurs heures passées à flemmarder avec un bon livre, Ginger recouvra toute sa confiance en soi et envisagea avec sérénité
    le défi qui lui était lancé.
    Le mercredi, Johnny O'Day était de bonne humeur et se remettait parfaitement de son triple pontage.
    C'était là la récompense d'années d'études et d'efforts: la préservation de la vie, le rejet de la souffrance, le retour de l'espoir et du bonheur.
    Elle assista Hannaby lors de la pose d'un stimula-teur cardiaque avant d'effectuer seule un aorto-gramme. Elle se tint également aux côtés de George quand il reçut sept malades que des confrères lui avaient adressés.
    quand les patients furent partis, George et Ginger étudièrent pendant une demi-heure le dossier de la candidate à la greffe d'aorte - Viola Fletcher, cinquante-huit ans. Le dossier refermé, Ginger décida de faire entrer Mme Fletcher jeudi pour qu'elle subisse les ultimes examens. S'il n'y avait pas de contre-indications, l'opération pourrait avoir lieu le lundi matin. George donna son accord.
    La journée du mercredi passa très vite. Vers six heures et demie du soir, elle avait déjà abattu douze heures de travail, mais n'était pas fatiguée pour autant.
    En fait, elle n'avait pas très envie de quitter l'hôpital, bien qu'elle n'y e˚t officiellement plus rien à faire.
    George Hannaby était déjà parti. Mais Ginger s'attardait à bavarder avec les patients, à vérifier des relevés.
    En fin de compte, elle alla jusqu'au bureau de George et reprit le dossier de Viola Fletcher.
    Les bureaux des médecins se trouvaient à l'arrière du b‚timent, un peu en dehors de l'hôpital proprement dit. A cette heure-là, les couloirs étaient déserts. Les semelles de caoutchouc de Ginger grinçaient sur le dallage. L'air sentait le désinfectant au pin.
    La salle d'attente, les salles d'examen et le bureau de George Hannaby étaient plongés dans l'obscurité.
    Ginger n'eut pas besoin de faire la lumière. Elle connaissait par coeur la disposition du mobilier. Elle se contenta d'allumer la lampe de bureau. Elle avait les clefs de tous les meubles de rangement et il ne lui fallut qu'une minute pour retrouver le dossier de Viola Fletcher et s'asseoir au bureau de George.

    Elle prit place dans le grand fauteuil de cuir, ouvrit tout grand le dossier. C'est alors qu'elle remarqua un objet qui mobilisa toute son attention et lui coupa littéralement le souffle. Il était posé sur le buvard vert du sous-main, à la limite de la zone d'ombre: c'était un ophtalmoscope, instrument servant à éclairer et à examiner le fond de l'oeil. Il n'avait rien d'étrange-rien de malfaisant. Un médecin se servait habituellement d'un ophtalmoscope lors d'un examen de routine.
    Pourtant, la vue de celui-ci non seulement lui bloqua la respiration, mais l'emplit instantanément d'un formidable sentiment de danger.
    Une sueur glacée lui coula le long du dos.
    Son coeur tapait si fort que les coups semblaient venir de l'extérieur de son corps, comme si une grosse caisse jouait dans la rue.
    Elle ne pouvait détacher ses yeux de l'objet. Comme cela s'était produit plus de deux semaines auparavant dans la charcuterie Bernstein lors de l'épisode des gants noirs, tous les autres objets du bureau de George commencèrent à se dissiper. Seul l'instrument brillant était visible dans ses moindres détails.
    Désorientée, rendue soudain

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