La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
capable.
Trois ans plus tard, lorsque le père Tuleen mourut calmement pendant son sommeil, on nomma un autre prêtre à Saint-Thomas et le cardinal envoya le père Wycazik dans une paroisse de la banlieue de Chicago dont le recteur, le père Orgill, avait des problèmes d'alcoolisme. Le père Orgill n'était pas définitivement perdu par l'alcool; c'était un homme capable de s'en sortir et qui méritait qu'on l'aid‚t à le faire. Le travail du père Wycazik avait consisté à le soutenir et à le guider, avec subtilité et finesse, jusqu'à ce qu'il f˚t tiré
d'affaire. Pas un seul instant en proie au doute, il avait rempli sa mission.
Au cours des trois années suivantes, Stefan travailla dans deux autres paroisses souffrant de problèmes similaires, et ceux qui fréquentaient la hiérarchie de l'archevêché commencèrent à le surnommer ´ la bouée de sauvetage de Son Eminence ª.
Sa mission la plus exotique eut lieu à Saigon, au Viêt-nam, auprès de l'orphelinat de Notre-Dame-de-la-Miséricorde, o˘ il fut l'assistant du père Bill Nader pendant six années cauchemardesques. L'archevêché
de Chicago finançait l'orphelinat, qui était l'une des oeuvres auxquelles le cardinal tenait le plus. Bill Nader portait les cicatrices de deux blessures par balle, l'une à l'épaule gauche et l'autre au mollet droit, et les Vietcongs avaient abattu trois de ses prêtres, deux Vietnamiens et un Américain.
Dès l'instant o˘ il avait posé le pied sur le sol du Viêt-nam, le père Wycazik n'avait pas douté qu'il s'en sortirait ni de la valeur de son travail dans cet enfer.
Au moment de la chute de Saigon, Bill Nader, le père Wycazik et treize religieuses s'enfuirent du pays avec 126 enfants. C'est par centaines de milliers que mouru-rent les Vietnamiens dans le bain de sang qui s'ensuivit, mais même alors le père Wycazik ne douta jamais que 126 vies sauvées, ce n'était pas un chiffre négligeable; et jamais il ne laissa le désespoir s'emparer de lui.
De retour aux Etats-Unis, pour le récompenser d'avoir si généreusement été la ´ la bouée de sauvetage de Son Eminence ª pendant près de quinze ans, on offrit à Stefan une promotion qu'il refusa modestement: il ne voulait pas devenir évêque. Au lieu de cela, il fit l'humble requête-à laquelle on répondit favora-blement-d'avoir sa propre paroisse. Enfin.
Ce fut Sainte-Bernadette. Elle n'était guère prospère lorsque le père Wycazik s'y établit; ses dettes s'élevaient à 125 000 dollars, l'église avait un urgent besoin de réparations importantes, y compris un nouveau toit d'ardoises. Le presbytère était dans un état de décrépitude tellement avancé qu'il menaçait de s'effondrer à
la prochaine tempête. Il n'existait aucun enseignement régulier du catéchisme. La fréquentation des messes, le dimanche, était en déclin régulier depuis près de dix ans. Sainte-Bette, comme aimaient à l'appeler certains enfants de choeur, était exactement le genre de défi qu'il plaisait au père Wycazik de relever.
Il ne douta jamais qu'il p˚t relever la paroisse. En quatre ans, la fréquentation des messes augmenta de quarante pour cent, la dette fut épongée, le toit réparé.
Au bout de sept ans la fréquentation était de cinquante pour cent plus forte et on jetait les fondations d'une école religieuse. En reconnaissance pour ses services éminents, le cardinal, au cours de ses derniers jours, lui conféra le titre recherché de P.R.-recteur permanent-, ce qui lui garantissait un maintien à vie dans la paroisse de Sainte-Bernadette, paroisse que par sa seule énergie il avait sauvée de la ruine tant spirituelle que matérielle.
La foi de granite du père Wycazik l'empêchait de comprendre pourquoi, dimanche dernier, à la première messe, la confiance en Dieu du père Cronin s'était ébranlée au point qu'il avait jeté à terre les objets du culte. Devant près d'une centaine de fidèles.
Heureusement que cela ne s'était pas produit au cours de la grand-messe.
Au tout début, lorsque Brendan Cronin était arrivé
à Sainte-Bernadette, il y avait un peu plus d'un an et demi, le père Wycazik n'avait pas voulu l'aimer.
Premièrement, parce que Cronin avait suivi ses études au Collège américain de Rome, qui passait à juste titre pour la meilleure école dépendant de la juridiction de l'Eglise. Mais bien que ce f˚t un honneur d'être invité
à fréquenter cet établissement et que ses diplômés fussent considérés
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