La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
analyse, le responsable provincial transmet-tra votre nom au préfet de la discipline, qui fouillera toutes vos actions passées pour voir si vous n'avez pas violé l'un de vos voeux.
- Mais, jamais je n'ai...
-Je le sais, dit Wycazik d'un ton rassurant. Mais le préfet a pour mission d'être soupçonneux. Et ce n'est pas tout. Même si votre analyse réussit, le préfet vous suivra pendant des années encore, ce qui limitera vos perspectives. Et jusqu'à ce jour, Brendan, vous m'avez donné l'impression d'un prêtre qui pouvait monter très haut, devenir évêque, sinon plus.
-Oh non, pas moi, fit Brendan, certainement pas moi.
- Si, vous, et vous irez très loin si vous résolvez ce problème. Toutefois, vous serez suspect dès l'instant o˘ le préfet de la discipline vous aura inscrit sur ses listes. Dans le meilleur des cas, vous ne finirez jamais plus haut que moi, simple curé de paroisse.
- Ce serait pour moi un honneur-et une vie bien remplie-que de finir à votre échelon.
-Vous pouvez aller plus loin et rendre de plus grands services à l'Eglise. Je ne veux pas que cette chance vous échappe. Je vous demande donc de me donner jusqu'à NoÎl pour tenter de trouver une solution. Finis les bavardages et les interminables discussions sur la nature du bien et du mal. S'il n'y a pas d'amélioration à NoÎl, je vous enverrai chez un psychiatre jésuite. D'accord ?
-D'accord, dit Brendan.
-Parfait ! ª Le père Wycazik se leva et se frotta vigoureusement les mains comme pour se préparer à
couper du bois ou s'atteler à quelque rude t‚che. Ćela nous laisse plus de trois semaines. Pour la première semaine, vous abandonnerez vos habits de prêtre, vous vous habillerez en civil et contacterez le Dr James McMurtry, à l'hôpital pour enfants Saint-Joseph. Il vous fera engager dans le personnel hospitalier.
- Comme aumônier ?
- Non, comme garçon de salle. Vous viderez les pots de chambre, changerez les draps, tout ce qu'on vous demandera. Seul le Dr McMurtry saura que vous êtes prêtre. ª
Inconsciemment, Brendan passa un doigt derrière son col romain, troublé à l'idée de devoir l'ôter-ce qui était certainement bon signe.
´ Vous quitterez le rectorat jusqu'à NoÎl. Je vous donnerai de l'argent pour vos repas et une chambre d'hôtel bon marché. Vous travaillerez et vivrez dans le monde réel, loin de l'abri de la vie ecclésiastique.
Maintenant, allez vous changer, faites vos valises et revenez me voir. Je vais appeler le Dr McMurtry pour arranger tout cela. ª
Brendan soupira, se leva, marcha jusqu'à la porte. Íl y a quelque chose qui ressemble peut-être à un trouble psychologique. Je fais un rêve... toujours le même.
- Un rêve récurrent ? C'est très freudien.
-Je l'ai fait plusieurs fois depuis le mois d'ao˚t.
Mais cette semaine-ci, je l'ai fait trois nuits sur quatre.
C'est un rêve désagréable, très bref mais très intense.
Je rêve de gants noirs.
- De gants noirs ?
- Je me trouve dans un lieu étrange, expliqua Brendan avec une grimace. Je ne sais pas o˘. Je suis couché
dans un lit, me semble-t-il. Mes bras sont attachés. Mes jambes aussi. Je voudrais pouvoir m'enfuir. Il fait sombre, je ne vois pas grand-chose. Et tout à coup, ces mains...
- Des mains qui portent des gants noirs ? l'interrompit le père Wycazik.
-Oui. Des gants noirs, brillants. En vinyle ou en caoutchouc. Très serrés, moulants, pas du tout comme des gants ordinaires. ª
Brendan l‚cha la poignée de la porte, revint vers le milieu de la pièce et contempla ses propres mains, comme si cela pouvait l'aider à rassembler ses souvenirs. ´ Je ne sais pas à qui appartiennent ces mains...
Je ne vois que les mains... les gants... jusqu'aux poignets seulement. Au-delà, tout est flou...
A la façon détachée dont Brendan avait mentionné
son rêve, comme s'il venait seulement d'y penser, on comprenait évidemment qu'il voulait le voir comme ne prêtant pas à conséquence. Sa figure était cependant plus p‚le qu'auparavant, et il y avait dans sa voix un tremblement de peur presque imperceptible mais qui ne trompait pas.
-L'homme aux gants noirs, est-ce qu'il vous dit quelque chose ? questionna Wycazik.
- Il ne parle jamais, fit Brendan en frissonnant. Il me touche, les gants sont lisses, froids. ª Il mit soudain ses mains dans ses poches. Très intéressé, le père Wycazik se pencha en avant et dit: Ó˘ ces gants vous touchent-ils ?
- Ils touchent... mon visage. Mon front,
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