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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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mots de la prière que sa bouche, sèche comme de l'amadou, ne pouvait prononcer.
    Des cris lui parvinrent de l'extérieur, mais il ne distinguait pas les paroles, soit à cause de l'incohérence de ceux qui hurlaient, soit qu'il f˚t temporairement sourd à cause du bruit des coups de feu.
    Il n'avait pas encore pleinement compris la leçon que le père Wycazik espérait qu'il retiendrait de cette thérapie peu orthodoxe dans les quartiers chauds de la ville.
    Et tout en tendant l'oreille au tapage extérieur, il sut que cette leçon, indépendamment de sa nature, serait insuffisante pour le convaincre que Dieu était aussi réel que les balles. La mort était une ignoble réalité, sanglante et puante, et face à elle, la promesse d'une récompense dans l'au-delà perdait tout son poids.
    Il y eut alors plusieurs coups de feu, des bruits de pas, des fracas de verre brisé, des cris sauvages. On e˚t dit que la guerre civile ravageait le quartier. Puis encore un coup de feu. Un cri de douleur. Et le silence.
    Le silence absolu.
    La portière avant de la voiture s'ouvrit brutalement.
    Brendan poussa un cri de terreur.
    ´ Reste planqué, dit Paul Armes en grimpant dans la voiture. J'en ai eu deux, mais il y en a peut-être d'autres à l'intérieur.

    -O˘ est Winton ? ª demanda Brendan.
    Paul Armes ne répondit pas. Il décrocha le micro et appela le central pour demander du renfort et une ambulance.
    Couché sur le côté à l'arrière du véhicule, Brendan ferma les yeux et revit avec une précision étonnante les photos que Winton Tolk transportait dans son portefeuille et montrait fièrement quand on lui parlait de sa famille-des photos de sa femme, Raynella, et de ses trois enfants.
    ´Les enfoirés ª, dit Paul Armes d'une voix tremblante.
    Brendan entendit des cliquetis. Il comprit que Paul rechargeait son arme. ´ Winton a été tué ?
    - Il y a de grandes chances.
    -Il a peut-être besoin d'aide.
    -Ils arrivent.
    -Je veux dire... maintenant.
    -On ne peut pas rentrer là-dedans, dit Paul. Il y en a peut-être un autre, ou deux, on n'en sait rien. Il faut attendre les renforts.
    -Winton a peut-être besoin qu'on lui mette un garrot. Il risque de mourir pendant que...
    -Tu ne crois pas que je le sais, non ? ª lui lança Paul Armes, furieux. Il termina de recharger et se glissa hors de la voiture pour reprendre son poste.
    Brendan Cronin ne cessait de penser à Winton Tolk gisant à terre et la colère montait en lui. S'il avait encore cru en Dieu, il se serait réfugié dans la prière.
    Mais il n'avait plus que lui-même à présent. Son coeur battait encore plus fort que tout à l'heure, quand les balles s'écrasaient contre la carrosserie. L'injustice dont avait été victime Winton le dévorait comme un acide.
    Il sortit de la voiture et traversa le trottoir en direction de la boutique.

    ´ Brendan ! cria Paul Armes. Arrête, ne fais pas de conneries ! ª
    Mais Brendan continua d'avancer, m˚ par sa rage et par la pensée que Winton avait peut-être besoin d'être secouru tout de suite.
    L'homme à la veste de chasse gisait à terre. Il avait reçu une balle dans la gorge et une autre dans la poitrine. Son arme reposait à côté de lui dans la neige.
    Ćronin ! hurla Paul Armes. Reviens, nom de Dieu ! ª
    Brendan franchit la vitrine brisée. Il faisait sombre dans la boutique. Toutes les lumières étaient éteintes.
    Il ne vit personne. Cela ne voulait pas dire qu'il ne risquait rien en entrant.
    Ćronin ! ª
    Brendan vit l'homme au caban étendu sous un mon-ceau de verre. Il enjamba le corps et entra. Il n'avait pas son col romain, lequel aurait peut-être été un précaire sauf-conduit s'il l'avait porté. Par ailleurs, des dégénérés comme ceux-là étaient sans doute capables de tirer sur un prêtre sans plus d'hésitation et avec autant de joie que sur un flic. Dans son costume de ville, avec cravate et manteau, il était comme n'importe quel citoyen ordinaire, aussi vulnérable, mais il s'en moquait.
    Au fond de la boutique, il y avait un petit comptoir, une desserte, un gril. Les cinq minuscules tables de l'établissement étaient renversées, de même que la dizaine de chaises. Le sol était jonché de vaisselle, de serviettes en papier, de pots de moutarde et de ketchup et de billets de banque. Il y avait aussi beaucoup de sang. Et Winton Tolk.
    Sans prendre la moindre précaution Brendan s'avança vers Winton et s'agenouilla à côté de lui. Il avait reçu deux balles en pleine poitrine.

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