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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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assez fortes pour arrêter Brendan en pleine phrase. Tandis qu'elles rompaient la trêve de NoÎl dans Uptown Street, la vitrine ornée de peintures de circonstance parut se dis-soudre en une explosion d'écume scintillante. De nouveaux coups de feu vinrent se superposer aux échos des précédents, accompagnés par la musique cassante et atonale du verre s'écrasant sur le toit, le capot et le coffre arrière de la grosse berline de police.
    Ńom de Dieu ! ª s'écria Paul Armes. Il décrocha le fusil réglementaire, libéra le cran de s˚reté et ouvrit la portière. ´ Planque-toi ! ª cria-t-il à Brendan, puis il se mit à ramper derrière la voiture.
    Brendan ne put s'empêcher de regarder à l'extérieur, en direction de la porte de la boutique. Tout à
    coup, celle-ci s'ouvrit toute grande et deux hommes assez jeunes en sortirent, un Noir et un Blanc. Le Noir portait un bonnet en laine tricoté et un caban-mais surtout un fusil automatique à canon scié. Son compagnon, vêtu d'une veste de chasse, avait un revolver. Le Noir vit la voiture de police et pointa son fusil sur elle.
    Brendan regardait directement dans le canon. Il y eut un éclair et il fut certain d'avoir été touché, mais la vitre de la portière arrière derrière laquelle il se trouvait était intacte. En revanche, celle de l'avant explosa vers l'intérieur, et une pluie brutale de débris de verre et de balles de plomb mitrailla le tableau de bord et le siège. D'avoir été manqué d'aussi peu tira Brendan de son état d'hébétude, et il se laissa tomber sur le plancher du véhicule que sa tête heurta avec un bruit presque aussi fort que les détonations.

    Le hasard avait voulu que Winton Tolk arrive en plein milieu d'un vol à main armé. Maintenant, il était probablement mort.
    Couché sur le plancher de la voiture, Brendan entendit Paul Armes crier: ´ L‚che ton arme ! ª
    Deux coups de feu retentirent. Ce n'était pas un bruit de fusil. qui avait tiré, Paul ou le type à la veste de chasse ?
    Un autre coup de feu. Un cri de douleur.
    Brendan aurait voulu savoir, mais il était paràlysé
    par la peur.
    C'est à la suite d'un accord passé entre le père Wycazik et un capitaine de la police que Brendan circulait depuis cinq jours en compagnie de Paul Armes et de Winton Tolk. Vêtu d'un costume ordinaire d'une cravate et d'un manteau, il était censé être un laÔc travaillant pour l'Eglise catholique et observant sur le terrain l'application des programmes sociaux. Personne ne lui avait posé de questions. Le secteur de Winton et de Paul était le plus pauvre de toute la ville le quartier des Noirs et des Indiens, mais aussi des Appalachiens et des Latino-Américains. Après cinq jours passés en leur compagnie, Brendan appréciait beaucoup les deux hommes et manifestait une grande sympathie pour les ‚mes honnêtes vivant et travaillant parmi ces immeubles en ruine et ces rues sordides-et livrés en p‚ture aux chacals qui pullulaient littéralement. Il avait appris à s'attendre au pire avec les deux flics, mais la fusillade de ce soir dépassait tout ce qu'il avait pu voir auparavant.
    Une autre balle fut tirée contre la voiture.
    Brendan était recroquevillé et aurait voulu prier, mais les mots ne lui venaient pas. Dieu était toujours aussi lointain et il se sentait terriblement seul.
    Dans la rue, Paul Armes cria: ´ Rends-toi !
    - Merde ! ª répliqua l'autre.
    Lorsqu'il était retourné voir le père Wycazik après une semaine à Saint-Joseph, on avait envoyé Brendan dans un autre hôpital o˘ il avait été affecté au pavillon des malades en phase terminale, un endroit effrayant o˘ il n'y avait pas d'enfants. Là, comme à Saint-Joseph, Brendan n'avait pas tardé à découvrir la leçon qu'il était censé apprendre. La plupart de ceux qui attei-gnaient le terme de leur existence voyaient arriver la mort sans crainte; elle était même la bienvenue, une bénédiction pour laquelle ils remerciaient Dieu au lieu de le maudire. Et en mourant, beaucoup d'incroyants changeaient d'attitude, tandis que ceux qui avaient perdu la foi la retrouvaient souvent. Il y avait fréquemment quelque chose de noble et de profondément émouvant dans les souffrances qui marquaient les derniers moments d'une vie, comme si chacun, pendant ces instants-là, partageait le fardeau mystique de la croix.
    Cependant, cette leçon apprise, Brendan resta incapable de croire. Maintenant, les violents battements de son coeur martelaient les

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