La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
s'arrêter le long de la route. Il relut le message, en caressa le papier. Il découvrit son reflet dans le rétroviseur intérieur et ce qu'il y vit lui déplut.
Aurait-il pu écrire lui-même ce texte ?
Il aurait pu le taper sur son traitement de texte pendant qu'il dormait. D'accord. Mais de là à s'habiller, sortir dans la rue, mettre la lettre dans une boîte, revenir à la maison et repasser son pyjama, il y avait tout un monde. Non, c'était vraiment impossible. Impossible ? S'il avait fait une telle chose, c'est que son désé-quilibre mental était encore pire que tout ce qu'il croyait.
Ses mains étaient moites. Il les essuya sur son pantalon.
Trois personnes au monde étaient au courant de ses crises de somnambulisme: Parker Faine, le Dr Cobletz et lui-même. Il avait déjà éliminé Parker. Cobletz n'était vraiment pas le genre de type à agir de la sorte.
Mais si Dom n'avait pas envoyé cette note, qui l'avait fait ?
Il reprit la route pour rentrer chez lui. Il se précipita dans son bureau, alluma le traitement de texte et tapa les deux phrases mystérieuses. Puis il connecta l'imprimante et tira plusieurs fois le message dans des corps et des polices de caractères différents.
Il arracha la feuille et la compara au message original. Une des polices correspondait, la New York, corps 10, mais cela ne l'avançait pas. Il y avait des dizaines de milliers d'imprimantes et encore plus de machines à écrire possédant ce caractère.
Il compara le papier. C'était le même, à première vue, mais qu'est-ce que cela prouvait ? Rien, absolument rien.
Parker, Cobletz et moi, se dit-il. Plus une quatrième personne. Mais qui ?
Et puis, quel était le sens exact du message ? quel secret était enfoui dans son passé ? quel traumatisme gommé, quel événement oublié était à l'origine de ses crises de somnambulisme ?
Assis à son bureau, les yeux perdus dans la nuit, au-delà de la grande fenêtre, l'effort qu'il faisait pour comprendre le rendait de plus en plus tendu. Une fois de plus il eut envie de prendre un Valium, une envie violente, mais il y résista.
Le mot était un défi à sa curiosité, mais aussi à sa logique et à sa raison. Il put se concentrer sur la recherche d'une solution avec une intensité dont il n'avait pas été capable depuis bien longtemps, et c'est gr‚ce à cela qu'il eut la force de résister à la séduction et au réconfort artificiel du tranquillisant.
Il commençait à se sentir mieux pour la première fois depuis des semaines. En dépit de l'impuissance de plus en plus grande dans laquelle il s'était débattu, il se rendait compte qu'après tout il possédait encore assez d'énergie pour orienter le cours de son existence.
Il ne lui avait manqué qu'une chose: une chose comme ce mot, une chose tangible à laquelle s'accrocher.
Il déambula dans la maison jusqu'au moment o˘, s'approchant d'une fenêtre donnant sur la rue, il aper-
çut sa boîte aux lettres et se dit qu'il n'avait pas pris le courrier.
La majeure partie des magazines et des lettres qu'il recevait arrivaient poste restante, mais il y avait tout de même quelques personnes à lui écrire à son adresse personnelle.
Il sortit de chez lui, tira une petite clef de sa poche et ouvrit la boîte en métal. Il y avait six publicités et catalogues, deux cartes de voeux... et une enveloppe blanche sans mention d'expéditeur.
Excité et paniqué tout à la fois, Dominick courut jusqu'à la maison et ouvrit si précipitamment l'enveloppe blanche qu'il faillit la déchirer. A l'intérieur, il n'y avait qu'une feuille de papier. Une feuille de papier avec deux mots:
La lune.
Rien n'aurait pu lui infliger une secousse aussi violente que ces deux mots. Il avait l'impression d'être tombé dans le terrier du Lapin blanc d'Alice et de culbuter dans un univers o˘ logique et raison n'avaient plus cours.
La lune. C'était impossible. Nul ne savait qu'il s'était réveillé en répétant d'un air paniqué: ´La lune, la lune... ª Et nul ne savait qu'il avait tapé ces mêmes mots sur son ordinateur. Il n'en avait parlé ni à Parker ni à Cobletz, car ces incidents s'étaient produits après le début de son traitement médicamenteux, alors que celui-ci semblait faire effet- il n'avait pas voulu avoir l'air de régresser. De plus, bien que ces deux mots le remplissent de terreur, il ne comprenait pas leur signification. Il ne savait pas pour quelle raison ils lui donnaient la chair de poule, et il
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