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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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Le nouveau gouvernement ne reconnaissait pas l'existence d'un tel cauchemar au sein du paradis des travailleurs. Dans la plus pure tradition orweilienne, les quatre étages du complexe de cellules et de salles de torture n'avaient pas de nom, ils n'existaient pas.
    A l'intérieur de ces murs sans nom, de ces cellules sans numéro, Jack Twist et les trois autres Rangers furent soumis à la torture physique et psychologique, à l'humiliation et à la dégradation, à la famine et à des menaces d'exécution. Un des hommes mourut, un autre devint fou. Seul Jack et son ami le plus proche, Oscar Weston, s'accrochèrent à la vie et conservèrent leur équilibre mental durant les onze mois et demi de leur détention.
    Et aujourd'hui, huit années plus tard, Jack était appuyé contre un rocher dressé sur un tertre en pleine campagne, dans le Connecticut, et attendait l'arrivée de la fourgonnette de transports de fonds Guardmaster.
    Jack était rarement hanté par le souvenir de l'endroit sans nom. Il l'était plus par ce qui lui était arrivé après son évasion-et par ce que Jenny avait vécu pendant son absence. Ce n'étaient pas ses souffrances en Amérique centrale qui l'avaient amené à se révolter contre la société, mais des événements ulté-rieurs, plus amers encore.
    Il vit des phares crever l'obscurité et prit ses jumelles. C'était bien la fourgonnette blindée.
    Il consulta sa montre. Neuf heures trente-huit. Elle était parfaitement à l'heure, comme chaque soir depuis une semaine. La proximité des fêtes n'y changeait rien. La société Guardmaster était le plus fiable possible.
    Un attaché-case était posé à même la terre. Jack l'entrouvrit. Les chiffres bleus d'un scanner numérique indiquaient la fréquence de la liaison radio reliant le véhicule au central de la société. Bien que disposant d'un équipement très sophistiqué, il lui avait fallu trois nuits pour découvrir la fréquence de la fourgonnette. Il tourna le bouton du volume de son propre récepteur. Il y eut des crachotements d'électricité statique. Puis il fut récompensé par un échange de routine entre le conducteur et le responsable du central.
    ´ Trois-zéro-un, dit l'homme du central.
    - Renne, répondit le chauffeur.
    - Rodolphe, reprit le responsable.
    - Ramure ª, conclut le chauffeur.
    Puis ce furent de nouveaux bruits d'électricité statique.

    Le responsable avait entamé le dialogue en donnant le numéro du véhicule; les trois autres phrases étaient une confirmation du code de la journée. Tout était en ordre.
    Jack coupa le récepteur. Le cadran s'éteignit.
    La fourgonnette blindée passa à moins de soixante mètres de Jack.
    Il était certain de l'emploi du temps, à présent, et il ne reviendrait plus ici avant le grand soir, fixé au samedi 11 janvier. En attendant, il y avait beaucoup a faire.
    D'habitude, la préparation d'un coup était aussi excitante, aussi satisfaisante que l'exécution proprement dite. Mais en quittant le tertre et en se dirigeant vers les premières maisons non loin desquelles il avait garé sa voiture, il n'éprouva pas la moindre émotion, le plus petit plaisir. Il perdait la capacité de jouir de la seule contemplation de son forfait.
    Il n'était plus le même. Et il ne savait pas pourquoi.
    Il se trouvait tout près des premières maisons quand il prit conscience que la nuit était moins sombre. Il leva les yeux. La lune était énorme à l'horizon, si grosse qu'elle semblait vouloir écraser la terre-illusion produite par les premières phases de l'ascension du satellite. Il s'arrêta sur place et rejeta la tête en arrière, les yeux fixés sur la face brillante de l'astre.
    Un frisson le parcourut, qui n'avait rien à voir avec la température hivernale.
    ´ La lune ª, dit-il d'une voix assez forte.
    Jack se surprit lui-même à parler tout haut. Une peur inexplicable s'empara de lui. Il se trouva en proie au besoin irrationnel de fuir devant la lune, de s'en cacher, comme si son éclat avait quelque chose de cor-rosif, tel un acide qui le rongerait s'il ne s'en éloignait.
    L'envie de s'enfuir passa en une minute. Il ne comprit alors pas pourquoi la lune l'avait tant effrayé. Ce n'était rien de plus que la lune des poètes et des astro-nomes. Curieuse réaction...
    Il posa la main sur la portière de sa voiture. La face de la lune le mettait encore mal à l'aise et il la contem-

    pla plusieurs fois, perplexe.
    Puis il démarra, gagna New Haven et la route 95. Il

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