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La fuite du temps

La fuite du temps

Titel: La fuite du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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les
persiennes.
     
    — Dormez un peu
si vous le pouvez, m'man. Ça va vous faire du bien. Je vais m'occuper du souper
de p'pa.
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    Laurette
s'endormit comme une masse. Son épuisement avait été causé autant par le manque
de sommeil de la nuit précédente que par toutes les émotions vécues chez le
dentiste. Elle se réveilla en sursaut dans sa chambre plongée dans l'obscurité.
Tendant l'oreille, elle perçut des voix en provenance de la cuisine. Elle
s'assit dans son lit et se souvint brusquement de tout ce qui s'était passé au
début de la soirée.
     
    Elle tendit la
main vers la lampe de chevet et l'alluma.
     
    Le réveille-matin
indiquait dix heures quarante-cinq. Avec mille précautions, elle retira de sa
bouche les tampons de ouate imbibés de salive. Elle les regarda: elle ne
saignait pas. Sa bouche lui semblait toute bizarre. Elle prit un bon moment à
tenter d'analyser l'impression qu'elle éprouvait à n'avoir plus de dents. Puis
la faim autant que la curiosité la poussèrent à se lever. Une fois sur pied,
elle alluma le plafonnier pour s'examiner dans le miroir suspendu au-dessus de
son bureau.
     
    — Ah ben verrat!
s'exclama-t-elle en s'apercevant. Ah ben, là, je suis belle! Je suis pas
regardable pantoute arrangée comme ça!
     
    Elle s'efforça de
s'adresser un sourire dans la glace. Ce dernier se transforma en une grimace.
Elle ne voyait que deux gencives nues, enflées et rougies.
     
    — Ouach,
calvaire! jura-t-elle. J'ai l'air d'une vraie maudite sorcière. Les enfants
vont ben avoir peur de moi!
     
    Totalement
démoralisée par ce qu'elle venait de voir dans le miroir, elle se décida enfin
à quitter sa chambre et entra dans la cuisine où Gérard regardait la
télévision.
     
    — J'étais à la
veille d'aller me coucher dans l'ancien lit de Gilles pour pas te réveiller,
lui dit-il. Comment tu te sens? — Pas ben pantoute, lui avoua sa femme avec
humeur, d'une voix étrangement changée par le fait qu'elle n'avait plus de
dents.
     
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    — Qu'est-ce qu'il
y a? T'as mal au coeur? s'inquiéta-t-il — Oui, surtout quand je me regarde dans
le miroir, bonyeu! As-tu vu la gueule que ça me fait? Je pourrai plus mettre le
nez dehors de l'été avec cette maudite affaire-là.
     
    Tout le monde va
rire de moi, arrangée comme ça.
     
    — Exagère donc
pas. Là, ça a l'air effrayant parce que t'as les gencives gonflées. Mais ça va
désenfler et tu vas t'habituer.
     
    — Avoir su...
     
    — T'es pas pire
et pas mieux que tout le monde, l'encouragea son mari. L'important, c'est que
ce soit fait.
     
    — Puis là,
qu'est-ce que je vais faire pour manger? J'ai faim, moi. J'ai pas mangé de la
journée avec ce maudit mal de dents là.
     
    — Ça fait plus
que deux heures que t'es sortie de chez le dentiste. Tu peux manger ce que tu
veux.
     
    — T'es drôle,
toi. Avec quoi je vais mâcher? Tu vas me passer tes dentiers, je suppose.
     
    — Ben non. T'as
juste à manger des affaires molles.
     
    — Comme quoi, par
exemple? — Je le sais pas, moi. De la soupane, de la soupe, du Jell-O.
     
    — Bout de viarge!
s'emporta Laurette en retrouvant progressivement toute son agressivité. Il va
m'en falloir des tonnes de ces cochonneries-là pour me remplir l'estomac.
     
    — Profites-en. Ça
fait des années que tu me parles de faire une diète. Là, t'as pas le choix, tu
vas en faire une de force.
     
    — Si tu
t'imagines que je vais me laisser mourir de faim pour te faire plaisir, j'ai
des nouvelles pour toi, moi, Gérard Morin, s'insurgea-t-elle.
     
    Là-dessus, elle
s'alluma une cigarette avant d'aller fourrager dans le garde-manger à la
recherche de ce qu'elle
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    pourrait avaler
avant de se remettre au lit. Elle ne découvrit qu'une boîte de flocons d'avoine
dont elle se versa une bonne mesure dans un bol. Elle les amollit avec beaucoup
de lait et se mit à manger en grimaçant de douleur.
     
    — Dis-moi pas que
je vais être poignée pour manger comme ça jusqu'au milieu de l'automne?
demanda-t-elle à son mari qui venait d'éteindre le téléviseur, prêt apparemment
à aller se mettre au lit.
     
    — Ben non. Tu vas
voir que demain, ça va déjà aller pas mal mieux. Viens-tu te coucher? — Je
m'endors pas. Je viens de me lever. Va te coucher.
     
    Je vais rester
debout une heure ou deux.
     
    Dès que Gérard
eut refermé la porte de la chambre à coucher, elle se releva pour aller
explorer le réfrigérateur, en quête d'un aliment qu'elle pourrait

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