La fuite du temps

raconte donc à ta mère ce qu'on a vu hier soir, au parc Lafontaine.
     
    À la surprise de
tous, Richard eut subitement l'air gêné et lança à sa femme un regard de
reproche.
     
    — Envoyé! insista
cette dernière, peu intimidée.
     
    — Bon. Accouche
qu'on baptise! lui ordonna sa mère, intriguée. Qu'est-ce que vous avez vu de si
intéressant? Richard laissa passer un assez long moment avant de se décider à
parler, même si tous les regards étaient braqués sur lui.
     
    — Ben, on a vu
Louise avec un nouveau chum, finit-il par dire.
     
    — Louise Brûlé?
lui demanda sa mère.
     
    — Oui.
     
    — En v'ià toute
une affaire! Ta cousine a presque vingt-
    trois ans. Elle a
ben le droit d'aller où elle veut avec son chum. La seule bonne nouvelle, c'est
que ça a tout l'air qu'elle a fini par oublier son Robert et par se faire un
nouveau chum,.
     
    — C'est tout de
même drôle que Carole nous en ait pas parlé, fit remarquer Denise. Elles ont
toujours été comme les deux doigts de la main. Elle devait savoir que la
cousine était retombée en amour avec un autre gars.
     
    — En tout cas, le
moins qu'on puisse dire, madame Morin, reprit Jocelyne, c'est que votre nièce est
pas barrée
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    à quarante. Elle
l'embrassait à pleine bouche devant tout le monde. Ça avait pas Pair de la
déranger pantoute.
     
    — Une chance que
sa mère et son père ont pas vu ça, fit remarquer Laurette, désapprobatrice.
Dire que Pauline s'est donné tant de mal pour ben élever ses filles. Elle
aurait ben poigne les nerfs si elle avait vu ça. Pour moi, la Louise aurait
mangé une claque derrière le chignon pour lui apprendre à se tenir devant le
monde.
     
    Au même moment,
Carole entra dans l'appartement.
     
    Elle salua les
visiteurs et ne put faire autrement que de venir prendre place à la table de
cuisine autour de laquelle tout le monde était assis.
     
    — De quoi vous
parlez? demanda-t-elle en feignant une bonne humeur et un dynamisme qu'elle
était loin d'éprouver.
     
    — De Louise
Brûlé, lui dit sa soeur Denise. Savais-tu qu'elle s'est fait un nouveau chum? —
Non, mentit Carole.
     
    — Comment ça se
fait que tu le savais pas? T'es toujours avec elle, s'étonna Denise.
     
    — Depuis qu'elle
reste toute seule en appartement, je la vois plus.
     
    — Richard et
Jocelyne l'ont vue en train d'embrasser son chum devant tout le monde, au parc
Lafontaine, lui expliqua sa soeur.
     
    — Comme une vraie
dévergondée, ajouta sa mère avec une moue dégoûtée. Une autre tête folle qui
comprend pas qu'une fille doit protéger sa réputation. S'il y a quelqu'un qui
la connaît qui l'a vue faire ça, elle va passer pour une guidoune... Et ce sera
ben bon pour elle.
     
    — Et c'est pas ça
le plus beau, reprit Jocelyne, les yeux brillants d'excitation.
     
    — Quoi encore?
lui demanda sa belle-mère.
     
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    — Demandez à
votre garçon, madame Morin. Lui, il va vous le dire. Moi, j'ose pas.
     
    La figure de
Carole pâlit légèrement. Elle devinait ce que son frère allait révéler au reste
de la famille.
     
    — Envoyé,
Richard! lui ordonna sa femme en le poussant du coude. Dis-le.
     
    — Puis?
s'impatienta Gérard qui commençait à en avoir assez des ragots. Est-ce qu'on va
finir par le savoir un jour? Pierre eut un petit rire sans joie.
     
    — Vous devinerez
jamais qui était le gars que Louise embrassait, reprit finalement Richard.
     
    — Vas-tu finir
par nous le dire? lui demanda sa mère, agacée par tant de tergiversations.
     
    — L'abbé
Vermette, dit-il à mi-voix, comme s'il était honteux de faire une telle
révélation.
     
    — Quoi? Qu'est-ce
que tu viens de dire là? lui demanda sa mère en élevant la voix.
     
    — Le gars que
Louise embrassait, c'était l'abbé Vermette, l'ancien vicaire de notre paroisse.
     
    — Voyons donc,
verrat! C'est pas possible ce que tu dis là. T'as dû te tromper. Ça peut pas
être un prêtre.
     
    — Les prêtres
sont des hommes comme les autres, avança Jocelyne.
     
    — Pantoute, ma
fille, s'insurgea sa belle-mère. Un prêtre, c'est pas un homme.
     
    — En tout cas,
madame Morin, ça avait pas l'air d'être l'avis de votre nièce à voir de quelle
façon elle l'embrassait.
     
    — J'arrive pas à
croire une affaire comme ça, finit par dire Denise. C'est presque impossible.
Un si bon prêtre.
     
    Moi, j'allais
toujours me confesser à lui.
     
    — T'es sûr de ça,
toi? demanda Laurette à son fils d'une voix