La fuite du temps

voir? — Je le sais pas. Peut-être pas
avant la fin de septembre.
     
    Je sais même pas
à combien de mois elle est rendue.
     
    — Ouais. Bon. Ça
va lui donner le temps de se trouver une autre job et une place où aller
rester. A part ça, qu'elle me demande rien. Elle va se débrouiller toute seule.
Là, je veux plus entendre un mot là-dessus. Je veux même plus lui parler.
     
    — Voyons donc,
Gérard, protesta sa femme. C'est ta fille.
     
    — Non. C'est plus
ma fille après nous avoir fait une affaire comme ça, affirma-t-il sur un ton
sans réplique. Je lui pardonnerai jamais ça.
     
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    Laurette ne dit
rien. Elle savait qu'il était inutile de chercher à discuter avec son mari
quand il était dans cet état d'esprit. Elle le regarda manger ses rôties sans
dire un mot. Perdue dans ses pensées, elle songeait à tout ce qui attendait sa
fille. L'angoisse lui étreignait le coeur. Sa Carole allait être une
fille-mère. Selon toute vraisemblance, elle allait accoucher d'un petit bâtard,
à l'Hôpital de la Miséricorde. Ce qui était certain, c'était qu'elle pourrait
pas garder le bébé. On allait sûrement le lui enlever pour l'envoyer dans une
crèche en attendant une adoption éventuelle... Quel gâchis!
     
    — Je souhaite
juste une chose, reprit Gérard en finissant de boire sa tasse de café. J'espère
que personne d'autre dans la famille va apprendre ce qui nous arrive, cybole!
     
    T'imagines-tu
comment ma mère aurait pris ça si elle avait vécu? — Elle est morte depuis des
années, ta mère, lui fit sèchement remarquer sa femme.
     
    — Et Colombe...
     
    — Ah ben, ça, par
exemple, je m'en sacre pas mal de ce que ta soeur pourrait penser! s'emporta
Laurette. Qu'elle vienne surtout pas m'écoeurer, la pincée! Si jamais elle
l'apprend et vient me faire une remarque sur ça, tu vas voir comment je vais
l'envoyer chez le diable. Ça m'achalerait ben plus que Bernard ou Armand
l'apprenne.
     
    — Armand et
Pauline ont pas de leçon à venir nous donner après ce qui arrive à leur Louise
qui vit avec le petit prêtre, lui fit remarquer avec justesse son mari.
     
    — Je veux ben te
croire, mais ils le savent pas.
     
    — Pour ce qui est
de Bernard et de Marie-Ange...
     
    — Eux autres me
fatiguent moins, l'interrompit Laurette. Ils sont pas du genre à faire toute
une histoire avec ça. De toute façon, je vois pas pourquoi on parle de
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    ça. Il y a
personne d'assez bête chez les enfants pour aller raconter ce qui nous arrive à
gauche et à droite.
     
    Gérard se leva et
se dirigea vers les toilettes pour aller se raser. Elle le vit ensuite
entrer.dans leur chambre à coucher pour finir de s'habiller. Moins de dix
minutes plus tard, le père de famille quitta la maison pour aller travailler au
garage de Rosaire Nadeau.
     
    Quand Carole
pénétra dans la cuisine un peu plus tard, sa mère n'eut qu'à lui jeter un coup d'oeil
pour comprendre qu'elle n'avait pas mieux dormi qu'elle.
     
    — P'pa est déjà
parti travailler? demanda-t-elle.
     
    — Oui.
     
    — Bon. Je déjeune
et après, je vais aller me chercher une chambre quelque part, dit-elle.
     
    — Ton père m'a
dit avant de partir qu'il y a rien qui presse. Commence par te trouver une job
et, après ça, tu t'occuperas de te trouver une place où rester.
     
    Carole ne
protesta pas. Elle déjeuna du bout des lèvres sans rien dire pendant que sa
mère commençait à laver la vaisselle. Elle s'était attendue à ce que sa mère
lui raconte comment on était parvenu à traîner André Cyr jusqu'à la cour
arrière, mais, contre toute attente, elle ne dit pas un mot sur ce qui s'était
produit.
     
    Après avoir
mangé, la jeune fille sortit sur le balcon arrière et feignit de découvrir
l'Oldsmobile stationné près de la clôture. Elle rentra pour dire à sa mère: —
C'est drôle, mais on dirait que c'est le char d'André qui est proche de notre
clôture.
     
    — C'est le sien,
répondit Laurette avec brusquerie.
     
    — Qu'est-ce qu'il
fait là? — Il va être là aussi longtemps qu'il t'aura pas remboursé l'argent
qu'il te doit, laissa sèchement tomber sa mère avant de lui tourner le dos pour
poursuivre sa tâche.
     
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    Laurette se
déplaçait dans la cuisine, le visage fermé et le geste impatient. Au moment où
Jean-Louis apparut dans la pièce, la jeune fille choisit de retraiter dans sa
chambre pour y faire son ménage hebdomadaire.
     
    — Je resterai pas
ici dedans une journée de