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La fuite du temps

La fuite du temps

Titel: La fuite du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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nécessaire,
m'man, je vais le donner en adoption. Je le garderai pas.
     
    Carole ne jugea
pas utile de révéler à sa mère les déchirements qu'elle vivait quant à l'avenir
du bébé qu'elle portait. Certains jours, elle décidait de le garder et de
l'élever malgré toutes les embûches qui l'attendaient. Le lendemain, elle
reculait devant les difficultés et se résignait à ne pas le garder. Elle aurait
pu en discuter avec Marthe, mais à quoi bon? Ce bébé-là allait être le sien et
personne n'allait décider à sa place.
     
    Depuis quelques
jours, elle avait finalement pris la décision de le donner en adoption. Pour
bien montrer la fermeté de ses intentions, elle s'était refusée à constituer un
trousseau à l'enfant à naître.
     
    — Mais il faut
tout de même que tu prépares quelque chose pour lui, avait insisté sa mère, le
visage assombri.
     
    Avant d'être
adopté, il va ben avoir besoin de couches et d'un peu de linge, cet enfant-là.
Il est pas pour partir tout nu, comme le petit Jésus.
     
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    — J'ai commencé à
lui tricoter un petit ensemble, était intervenue Marthe Paradis, en jetant un
regard d'avertissement à sa colocataire.
     
    — Vous avez
peut-être raison, avait reconnu Carole, mal à l'aise. Je vais m'en occuper.
     
    — Fais-en pas
trop quand même, l'avait prévenue sa mère. J'ai gardé un peu de votre linge de
bébé. Je t'en apporterai quand je reviendrai te voir.
     
    Avant de quitter
l'appartement à la fin de l'après-midi, il avait été entendu que Laurette
serait la bienvenue chaque samedi après-midi. A aucun moment, il n'avait été
question de Gérard durant la visite. Carole semblait garder une rancune tenace
contre son père.
     
    — Pauvre petite
fille! se dit Laurette en secouant doucement la tête. Ça va avoir un petit et
c'est même pas capable de voir plus loin que le bout de son nez. C'est ben trop
jeune de caractère. A son âge, moi, j'avais déjà deux enfants sur les bras...
     
    Elle s'ébroua
pour chasser ses pensées pessimistes. Elle cessa de regarder à l'extérieur et
tourna la tête pour voir si la réceptionniste était toujours à son bureau. Elle
découvrit alors avec étonnement une femme âgée d'une quarantaine d'années qui
avait pénétré dans la salle d'attente sans qu'elle l'entende, tant elle était
absorbée par ses réflexions.
     
    Il y eut un court
silence embarrassé entre les deux patientes d'Émilien Duval avant que la dame
demande à Laurette: — Pouvez-vous me dire à quelle heure est votre rendez-vous?
— A une heure et demie.
     
    — Il est presque
deux heures moins quart, fit remarquer l'autre en jetant un coup d'oeil à
l'horloge murale.
     
    Il a pris pas mal
de retard. Je suis supposée passer à deux heures.
     
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    — Vous restez
dans le coin? s'informa Laurette plus par envie de passer le temps que pour
savoir.
     
    — Non, je suis
sur Hochelaga depuis le printemps passé, répondit la dame. Mais j'ai vécu
quinze ans sur Parthenais, proche de la rue Notre-Dame, avant de déménager.
     
    — Est-ce que ça
veut dire que vous restiez dans une des maisons de la Dominion Oilcloth? — En
plein ça.
     
    — Je suppose que
vous êtes partie parce qu'ils parlaient de démolir la maison? — Oui, reconnut
la dame. Quand ils ont dit au mois d'avril qu'on n'aurait pas de bail, mon mari
a décidé de déménager. On a trois enfants et on n'avait pas envie de se
ramasser à la rue en plein été et même cet automne. Et vous, madame? — Morin.
     
    — Et vous, madame
Morin, est-ce que vous demeurez près d'ici? — Je reste rue Emmett. Nous autres
aussi, on habite une maison de la Dominion Oilcloth. Chaque mois, je me demande
si on n'aurait pas été mieux de partir. Ça m'énerve sans bon sens cette affaire
de démolition là. On sait jamais sur quel pied danser. Il y a rien qui nous dit
qu'ils nous mettront pas dehors cet automne...
     
    — Vous pensez? —
S'ils ont dans la tête de commencer à démolir les maisons à la fin de l'hiver
ou le printemps prochain, ils pourraient ben décider de mettre tout le monde
dehors le mois prochain pour faire place nette.
     
    — Je peux
peut-être vous rassurer un peu, dit la femme en baissant inutilement la voix.
     
    — Comment ça? —
Un de mes neveux travaille pour un des grands boss de la Dominion Oilcloth. Il
paraît qu'il lui a dit qu'il était
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    pas question que
la compagnie fasse démolir ses maisons avant au moins l'été prochain,

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