La fuite du temps

gâteau quand c'est leur fête. Ça, c'est
normal!
     
    Elle jeta un
regard plein de rancune à Gérard en train de finir de lire le journal de la
veille. Au moment où elle s'apprêtait à dresser le couvert, on sonna à la
porte.
     
    — Bonyeu!
lève-toi au moins pour aller répondre, lui dit-elle, pleine de hargne. Tu vois
ben que je suis occupée à préparer le dîner.
     
    Gérard se leva
sans aucun empressement et se dirigea vers la porte d'entrée qu'il ouvrit.
     
    — Laurette, c'est
pour toi, lui cria-t-il du fond du couloir.
     
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    — Qu'est-ce que
c'est? lui demanda-t-elle sur un ton rogne.
     
    — Viens voir.
     
    Elle déposa les
assiettes sur la table en maugréant et s'avança dans l'étroit couloir pour se
retrouver tout à coup en face d'une douzaine de personnes massées
silencieusement devant la porte d'entrée. Sur le coup de la surprise, son coeur
se gonfla d'émotion en reconnaissant les membres de sa famille et elle demeura
sans voix durant un court moment. Elle en eut même les larmes aux yeux quand
ils entonnèrent tous ensemble «Bonne fête, maman».
     
    — Ah ben verrat,
vous autres! ne put-elle s'empêcher de s'exclamer. Voulez-vous me faire mourir
d'une crise de coeur? Qu'est-ce que vous faites là? — On s'en vient te fêter,
ma soeur, dit Bernard qui portait ostensiblement un paquet à première vue
fragile.
     
    Immédiatement,
Laurette fut aux abois. Qu'allait-elle bien pouvoir servir à tout ce monde?
Elle n'avait rien de prêt.
     
    — Inquiétez-vous
pas pour le dîner, intervint Denise qui semblait avoir deviné les
préoccupations de sa mère.
     
    On a tout ce
qu'il faut.
     
    — Si tu finis par
nous inviter à entrer, ben sûr, poursuivit Armand.
     
    — Ce que je suis
bête. Ben sûr, entrez, dit Laurette en reculant dans le couloir pour laisser
pénétrer dans l'appartement ses visiteurs inattendus. Dites donc, vous autres,
vous étiez pas supposés aller dans le Nord en fin de semaine? demanda-t-elle à
Florence, Gilles, Pierre et Denise.
     
    — On y est allés,
madame Morin, répondit l'épouse de Gilles, mais on s'était donné le mot de
revenir de bonne heure ce matin ou hier soir pour vous faire une surprise.
     
    — Vous êtes ben
fins d'avoir pensé à ma fête, reconnut Laurette en les suivant dans la cuisine.
     
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    Puis, les uns
après les autres, chaque invité embrassa Laurette et lui souhaita un joyeux
anniversaire. Les derniers à lui donner un baiser sur une joue furent ses trois
petits-
    enfants.
     
    — J'ai apporté
des chaises pliantes, annonça Pierre.
     
    — À cette heure
que la surprise est faite, on pourrait peut-être aller chercher le reste du
dîner qu'on a préparé, suggéra Pauline, la femme d'Armand.
     
    — Bernard tient
déjà le gâteau, annonça Marie-Ange en faisant signe à son mari de le déposer
sur la table de cuisine.
     
    — Richard est
parti chercher les plats de salade dans le char, fît remarquer Jocelyne.
     
    — As-tu besoin
d'aide pour apporter les sandwichs, Gilles? lui demanda Florence.
     
    — Non. Jean-Louis
va venir me donner un coup de main. Il arrive avec la liqueur.
     
    — Comme on
s'était entendus, reprit Pauline, j'ai préparé deux assiettes de sandwichs au
jambon. Je vais aller les chercher dans le char pendant qu'Armand va apporter
ses bouteilles de Baby Duck. Il tenait absolument à ce qu'on boive une coupe de
vin à ta santé, ajouta-t-elle en s'adressant à sa belle-soeur.
     
    En quelques
minutes, la table de cuisine fut surchargée de victuailles de toutes sortes.
     
    — Bon. Comment on
va faire? demanda Laurette, un peu débordée par tous ces gens qui avaient
apporté tellement de choses.
     
    — Le mieux est de
se servir comme dans un buffet, suggéra Florence.
     
    — Mais pas avant
qu'on ait donné à la fêtée ses cadeaux, poursuivit Pauline en regardant autour
d'elle pour s'assurer que tout le monde était bien d'accord. Est-ce qu'on
attend Carole avant de commencer? demanda-t-elle à
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    Denise. Denise,
c'est toi qui as organisé tout ça. Qu'est-ce qu'on fait? Le visage de Gérard
eut un rictus involontaire en entendant ces paroles.
     
    — On l'attendra
pas, ma tante. Carole m'a téléphoné vendredi et m'a dit qu'elle pouvait pas.
venir aujourd'hui, mentit-elle. Elle est partie depuis hier matin chez des
amis.
     
    — Ah, les
enfants! intervint Armand. C'est la même chose avec Louise. Chaque fois qu'on
organise quelque chose, elle a toujours une bonne raison