La fuite du temps

Marthe
Paradis, mais l'amie de son fils était absente toute la journée. Qu'allait-il
lui arriver si les douleurs faisaient leur apparition alors qu'elle était
seule? Qui allait s'occuper d'elle? Maintenant, elle lui téléphonait au moins
deux fois par jour pour s'enquérir de son état et vérifier si elle avait
vraiment tout ce dont elle avait besoin.
     
    — Bonyeu que ça
m'énerve! Je devrais être avec elle, là-bas, ne cessait-elle de se répéter.
     
    Elle aurait voulu
pouvoir persuader son mari d'accueillir leur fille à la maison durant ces jours
cruciaux avant sa libération, mais elle le connaissait assez pour savoir qu'il
ne fléchirait pas.
    — On est le 16.
C'est pour ces jours-ci. Que ça lui plaise ou pas, je me dépêche demain à faire
la cuisine pour les fêtes et, après ça, je vais aller passer toutes mes
journées avec elle.
     
    Je voudrais ben
le voir essayer de m'empêcher d'y aller!
     
    449
    Quand Gérard
revint à la maison après sa journée de travail, il était de fort méchante
humeur. Non seulement il avait dû patrouiller à l'extérieur une bonne partie de
la journée, malgré la tempête, mais il avait été obligé d'attendre l'autobus
plus d'une demi-heure.
     
    — Une maudite
journée de fou! se plaignit-il en enlevant son manteau. Il me semble qu'il faut
pas avoir la tête à Papineau pour s'apercevoir qu'il y a pas un chat qui va
venir voler quelque chose sur le port quand t'as de la misère à rouler, cybole!
     
    — Dis-moi pas que
t'étais dehors par un temps pareil? lui demanda sa femme.
     
    — Tout
l'après-midi, bâtard! Je suis gelé comme un pop sicle.
     
    — Bon. Ben,
prends le temps de te dégeler un peu, lui
    suggéra Laurette
en lui tendant une tasse de café et va voir mon ouvrage dans la salle de
télévision.
     
    Gérard but une
bonne gorgée de café avant de pousser la porte de la pièce voisine.
     
    — Qu'est-ce que
c'est ça? demanda-t-il en apercevant l'arbre de Noël illuminé dans le coin de
la chambre.
     
    — Un cadeau de
Richard. C'est un arbre artificiel.
     
    Gérard l'examina
un long moment avant de déclarer: — Sais-tu que c'est pas laid pantoute, cette
affaire-là.
     
    Mais il faut dire
que tu l'as pas mal ben décoré.
     
    Laurette sourit
de plaisir en entendant ce compliment.
     
    — Et j'ai eu le
temps d'envelopper tous les cadeaux de Noël à part ça.
     
    — Est-ce que je
peux tâter pour essayer de deviner ce que tu m'as acheté? demanda-t-il,
malicieux.
     
    — Que je te voie
essayer! le menaça-t-elle. Tu touches à rien. Tu le sauras après la messe de
minuit, comme les autres.
     
    450
    Vers sept heures,
la neige cessa pratiquement de tomber.
     
    À l'extérieur,
tout était blanc et le vent semblait s'être calmé. Au moment où un documentaire
débutait à la télévision, les Morin entendirent des cris excités d'enfants en
provenance de la cour arrière.
     
    — Le programme a
l'air pas mal plate, déclara Gérard en quittant sa chaise berçante. Je pense
que je vais aller déneiger le balcon en arrière et ouvrir un chemin jusqu'au
hangar.
     
    Il s'habilla
chaudement et sortit. Moins d'une minute plus tard, Laurette sursauta en
entendant, à l'extérieur, des cris de colère proférés par son mari.
     
    — Maudit verrat!
Qu'est-ce qui se passe encore? demanda-t-elle à haute voix en quittant
péniblement son fauteuil.
     
    Elle n'eut pas à
s'interroger très longtemps. Soudain, la porte arrière s'ouvrit pour laisser
passer un Gérard fou de rage.
     
    — Les petits
maudits vicieux! s'écria-t-il. Sais-tu ce qu'ils faisaient? — De qui tu parles?
lui demanda sa femme en entrant dans la cuisine.
     
    — Des jeunes du
coin, bâtard! s'emporta- t-il- Ils étaient montés sur le top de mon char avec
leur traîne-sauvage et ils s'en servaient comme glissoire. Faut-il qu'ils
soient malfaisants!
     
    — Ça te sert à
rien de te mettre à l'envers pour ça, lui conseilla sa femme. Pour moi, tu vas
être poigne pour le nettoyer chaque fois qu'il va neiger cet hiver, sinon les
enfants vont s'en servir.
     
    — Si jamais j'en
poigne un à monter dessus, je vais le reconduire chez eux à grands coups de
pied dans le cul, je te le garantis, promit-il en sortant de nouveau pour aller
déneiger sa Chevrolet.
     
    45!
     
    Quelques minutes
plus tard, Denise téléphona à sa mère, tant pour s'informer de l'état de santé
de sa soeur cadette que pour se plaindre.
     
    — Vous savez pas
ce qui vient de me