La fuite du temps
ans.
— Ah ben, ils ont
dû avoir pas mal d'affaires à se raconter, surtout si la cousine a autant de
maladies que notre belle-soeur, fit remarquer Pauline d'un air narquois.
Après le repas,
tous aidèrent à remettre de l'ordre dans l'appartement, puis vers trois heures
trente, les invités remercièrent leurs hôtes, ayant décidé de rentrer chez eux.
Avant de partir,
Pauline invita tous les gens présents à venir souper le soir même à la maison,
mais tous avaient des engagements et il fut convenu que Laurette et Gérard
seraient les seuls au rendez-vous. La voiture des derniers invités n'était pas
encore parvenue au coin d'Emmett que Gérard avait déjà éteint les lumières de
l'arbre de Noël et le plafonnier de la cuisine. Moins de cinq minutes plus
tard, il rejoignit sa femme dans leur chambre à coucher.
— J'ai ouvert la
porte d'en arrière deux ou trois minutes pour faire sortir la boucane et la
fournaise est correcte.
Laurette avait
déjà eu le temps de mettre son épaisse robe de nuit et venait de se glisser
sous les couvertures.
— On a eu un ben
beau réveillon. C'était ben bon, la remercia son mari en se déshabillant
rapidement.
— En tout cas, à
voir comment tout le monde a mangé, ça avait pas l'air trop mauvais, fit-elle
remarquer en poussant un soupir de satisfaction.
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— Qu'est-ce que
Pauline et Armand avaient tant à te raconter quand ils sont arrivés? lui
demanda son mari.
Il me semble que
ça leur a pris pas mal de temps à nous rejoindre en arrière.
— Imagine-toi que
c'est juste la semaine passée qu'ils ont appris pour Louise. Ça les a mis pas
mal à l'envers.
— Ça se comprend.
— Ça se comprend
peut-être, mais c'est leur fille et il va ben falloir qu'ils lui pardonnent,
ajouta-t-elle avec le secret espoir qu'il saisirait l'allusion.
Gérard ne dit
rien et se retourna dans le lit, à la recherche d'une meilleure position pour
dormir.
Quelques heures
plus tard, Laurette fut tirée du sommeil par la sonnerie du téléphone.
Immédiatement, elle pensa à Carole et se précipita, pieds nus, dans la cuisine
pour répondre. Fausse alerte. Ce n'était que son frère Armand.
Lorsqu'elle
retourna dans sa chambre pour chausser ses pantoufles, Gérard était assis dans
le lit et cherchait à voir l'heure indiquée par son gros Westclock.
— Il est déjà
onze heures, lui dit sa femme. Il est temps qu'on se lève.
— Qui est-ce que
c'était au téléphone? — Armand.
— Qu'est-ce qu'il
voulait? — Il voulait nous offrir de venir nous chercher avec son char.
— T'as accepté? —
Non. Je lui ai dit de pas se déranger, qu'un des enfants nous laisserait en
passant.
— Mais c'est pas
vrai, dit Gérard en se levant. Pourquoi t'as refusé? S'il était venu, on
n'aurait pas été obligés de prendre l'autobus.
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— On a une visite
à faire avant d'aller chez eux pour souper, dit sèchement Laurette en passant
son épaisse robe de chambre. Bon. Je vais préparer le café, ajouta-t-elle en
sortant de la pièce.
Moins de deux
minutes plus tard, Gérard la rejoignit dans la cuisine.
— Qu'est-ce que
tu racontes là? On n'a pas nulle part à aller avant d'aller souper chez ton
frère.
— C'est là que tu
te trompes, dit Laurette en déposant sur le comptoir l'unique cadeau enveloppé
laissé sous l'arbre de Noël la nuit précédente. On dîne, on s'habille et tu
viens avec moi souhaiter un joyeux Noël à ta fille.
— Den est pas
question, déclara tout net son mari en affichant un air buté.
— Écoute-moi ben,
Gérard Morin. Ta fille a pas tué personne, tu m'entends? Je te demande pas de
l'approuver.
C'est notre
fille. Si tu viens pas avec moi cet après-midi, je te jure sur la tête de ma
mère que je t'adresserai plus jamais la parole. Il y a tout de même un boutte à
être boqué, maudit viarge!
Là-dessus, elle
déposa bruyamment le grille-pain sur la table, sortit une poêle et se mit en
devoir de faire cuire des oeufs. Gérard ne dit rien. Il alla allumer la radio
avant de s'enfermer dans la salle de toilettes pour se raser et se laver.
Quand il sortit
de la pièce, il fut accueilli par la voix sirupeuse de Paolo Noël interprétant
Petit papa Noël.
— T'es mieux de
venir manger tes oeufs tout de suite, le prévint sa femme. Ils sont prêts, et
testoasts aussi.
Le visage fermé,
son mari prit
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