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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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en chemin tout ce que je sais sur Monsieur le duc
d’Angoulême.
    — Vous êtes donc apensé que j’aurai affaire à
lui ?
    — Comte, ne le pensez-vous pas ? Il est partie en
cette affaire…
    — Je ne sais, mais m’aimant instruire, je vous orrai
bien volontiers.
     
    *
    * *
     
    Le chemin fut long d’Aytré à Pont de Pierre, et tout aussi longue
la râtelée de Fogacer sur le duc d’Angoulême, sur qui, en effet, il connaissait
plus de choses que moi. Mais comme son conte comportait des digressions dont le
lecteur n’a que faire, je voudrais le résumer ci-après, tout en gardant les
petites saillies, gausseries et verdeurs dont Fogacer aimait à parsemer ses
récits.
    Tout était hors du commun chez le duc, et sa naissance et sa
destinée. Il avait pour père Charles IX, l’auteur ou l’un des auteurs de
la Saint-Barthélemy, et pour mère illégitime, la douce Marie Touchet, huguenote
non convertie. Après le décès prématuré de Charles IX (on dit qu’il fut dû
au regret d’avoir fait massacrer tant de monde, mais à la vérité je le décrois,
car tant s’en faut qu’il ait eu le cœur et l’imagination qu’il eût fallu pour
se remordir de tout ce sang), le bel et vaillant bâtard, choyé et gâté au-delà
du raisonnable par Henri III, fut nommé, par ses soins, Grand Prieur de
France. Cette dignité comportait de gros revenus, mais la Dieu merci, pas
d’obligations religieuses, car le béjaune les eût toutes déprisées, étant si
léger et voletant de fleur et fleur.
    Toutefois, il avait le cœur bon, et quand à Saint-Cloud
Henri III fut assassiné par Jacques Clément, il pleura sa mort et, tout à
plein désemparé, s’attacha à Henri IV qu’il servit avec tant de vaillance
aux batailles d’Arques, de Vitry et de Fontaine Française qu’Henri le nomma
comte d’Auvergne. Ce titre eût dû l’amener doucettement à un duché-pairie et à
une fort plaisante existence, si par malheur sa mère, Marie Touchet, à la mort
de Charles IX, ne s’était pas remariée avec François d’Entragues.
    Or ce gentilhomme appartenait à cette sorte de poissons des
grandes profondeurs qui ne nage bien que dans l’intrigue. En attendant d’y
briller de tous ses feux, il eut avec Marie Touchet une fille, Henriette,
belle, brunette et maigrelette qui possédait de grands pouvoirs sur les hommes,
tant est qu’en un tournemain, elle tourna la tête d’Henri IV.
    — Vous remarquerez, dit Fogacer, que dans cette étrange
famille les femmes sont maîtresses royales de mère en fille…
    Toutefois Henri dans ses filets, la belle fit la
difficile : elle ne céderait que si le roi lui faisait une promesse écrite
de la marier. Le malheureux signa, tant l’amour l’aveuglait. Et l’encre à peine
sèche, il épousa Marie de Médicis, si bien que gourmandé à dextre, il le fut
aussi à senestre, ses deux paradis devenant un enfer. À la parfin, il disgracia
Henriette.
    Le clan des Entragues se voulut mortellement offensé par
cette écorne, et Henriette n’eut de cesse qu’elle ne convainquît son père,
François d’Entragues, et son demi-frère, le comte d’Auvergne, qu’on ne pouvait
s’en revancher qu’en jetant Henri au bas de son trône. Jamais on ne vit
intrigue plus folle ni plus sotte. Les d’Entragues allèrent jusqu’à s’aboucher
avec l’Espagne, laquelle, à tout hasard, promit son aide. Mais à l’Espagne non
plus une promesse ne coûtait guère…
    Ce feu de paille était si ridicule qu’il s’éteignit en un
battement de cils. Les conspirateurs furent en un tournemain découverts,
arrêtés, jugés et condamnés : François d’Entragues et le comte d’Auvergne
à mort, Henriette, qui était pourtant l’âme du complot, à la prison.
    La Cour entendit bien la raison de l’indulgence dont elle
bénéficiait et comment les choses allaient tourner. Henriette aussi, qui
écrivit à notre Henri, du couvent où elle était serrée, une lettre sanglotante
où elle le suppliait de la venir visiter en sa geôle avant qu’elle ne succombât
à l’inapaisable douleur d’être séparée de lui… Henri, homme de toutes les
faiblesses quand il s’agissait des femmes, céda. Il vint, il vit, il fut
vaincu.
    Henriette s’envola alors de son couvent (où elle ne s’était
guère sanctifiée) le bec haut et les ailes frémissantes et obtint que la peine
de mort de son père et son demi-frère fût commuée en prison. Ici, les destins
se séparèrent.

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