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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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amendement. »
    Richelieu, à mon entrant, me jeta un coup d’œil amical et me
fit de la main un signe qui, tout à la fois, m’accueillait et me priait
d’attendre qu’il eût fini la lettre qu’il était occupé à dicter à un de ses
secrétaires.
    Tout en dictant, il marchait de long en large dans la pièce,
la tête haute, les mains derrière le dos et sans un regard, en effet, pour les
fenêtres qui donnaient de belles vues sur l’océan. Fogacer m’en ayant prévenu,
je ne fus pas étonné de son attifure. Il portait un haut-de-chausses, de hautes
bottes qui lui couvraient les genoux et un pourpoint noir dont le seul ornement
était une croix pectorale en or. C’est seulement à cette croix et à la petite
calotte pourpre qui couvrait l’arrière de sa tête qu’on pouvait deviner à qui
on avait affaire.
    Comme à son ordinaire, le cardinal, des pieds à la tête,
reluisait de propreté immaculée : les contours de sa fine moustache et de
sa courte barbe en pointe minutieusement rasés, le cheveu coiffé en arrière et
retenu par sa calotte, et pas un poil ne passant l’autre, les mains blanches et
manucurées et le grand col qui serrait son cou, d’une blancheur éclatante. Pas
une tache ni le moindre grain de poussière, et pas l’ombre de boue non plus sur
ses hautes bottes noires, lesquelles étaient cirées à la perfection et, à ce
que je supposais, deux ou trois fois par jour, tant il était impossible au camp
d’échapper à la boue, ne fût-ce qu’en descendant de cheval. Les ennemis du
cardinal, qui cultivaient à son endroit une haine qui ne se peut imaginer (et
jusqu’à le vouloir assassiner), raillaient ses habitudes de propreté comme
étant trop du monde et incompatibles avec sa vocation d’Église. Mais,
m’apensai-je, qu’eussent-ils dit, si le cardinal avait été crasseux ?
    Je ne faillis pas d’apercevoir que Richelieu paraissait plus
heureux dans ses bottes et son haut-de-chausses que dans la majestueuse soutane
pourpre que son état commandait. La raison en était sans doute qu’il était fort
entiché de sa noblesse, et n’avait choisi la robe ecclésiastique que par
rencontre et raccroc, son frère à qui elle serait revenue l’ayant refusée, et
son père voulant garder dans sa famille une fonction qui y était par la faveur
des rois successifs, depuis François I er , et donnait lustre et
revenus à un cadet impécunieux.
    Cependant, Richelieu, une fois évêque, s’était mis à son
évêché avec tant de soin, de labour et d’amour qu’il était devenu un prêtre
exemplaire, s’efforçant, par la parole et l’écrit, d’instruire des curés
frustes et déréglés et de les mieux former à leur tâche paroissiale. En outre,
il leur donnait un exemple que peu d’évêques donnaient : il était chaste.
    Tandis que j’envisageais le cardinal marchant de long en
large, la taille svelte et droite, le menton haut, les bottes frappant avec
assurance le parquet, je me ramentus soudain, non sans m’en égayer quelque peu,
que la parentèle dont ce grand seigneur était si fier avait néanmoins reçu une
goutte de sang bourgeois. Je m’en égayais parce que je pouvais en dire autant
de la mienne, mon arrière-grand-père paternel étant apothicaire. « Du
diantre, disait mon père, si j’ai honte de cette goutte-là ! Bien le
rebours, qui sait si sans elle j’aurais eu cet appétit de savoir qui fit de moi
un bon médecin. Et comment oublier aussi que dans le Périgord les gentilshommes
de mon âge, qui étaient mes amis, ne pensaient qu’à la chasse, aux dés, à
l’escrime et au bal. En revanche, la plupart savaient à peine lire et encore
moins écrire. D’aucuns même opinaient, pour s’en excuser, que “l’étude
affaiblit le courage”. »
    — Monsieur d’Orbieu, dit le cardinal avec sa courtoisie
coutumière, je vous remercie de votre patience. J’en ai fini, du moins pour le
moment. Plaise à vous de me suivre !
    Et je le suivis, en effet, dans un petit cabinet attenant à
la salle où ses trois secrétaires usaient leurs plumes sur le papier. Oh !
Oh ! me dis-je, non sans me paonner quelque peu en mon for, l’affaire est
de conséquence, puisque Richelieu ne m’en veut toucher mot qu’au bec à bec.
    Ledit bec à bec me fut d’ailleurs confirmé par le fait qu’il
n’y avait dans le cabinet que deux chaires à bras.
    Une fois que nous y fumes assis, le cardinal, fixant sur moi
des yeux graves, me dit :
    — Sa

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