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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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n’est pas possible de
plus…
    Je répétai à mon père ce propos et il rit à gueule bec de ce
« de plus » qui lui paraissait peu grammatical et voulant aussitôt
corriger l’impression que Toinon avait pu me donner de Bassompierre, il
reprit :
    — Monsieur mon fils, gardez-vous de vous fier aux
apparences. Bassompierre est, en effet, un grand galant devant l’Éternel ou,
devrais-je dire plutôt, devant le diable, mais il est aussi le gentilhomme le
plus instruit de la Cour. Il entend le grec et le latin. Il parle quatre
langues étrangères. Sa bibliothèque est l’une des plus riches de France. Et
soyez bien assuré que les livres ne sont pas là que pour la montre. Il les a
lus. Bref, il a des lumières sur tout et l’esprit si vif, si prompt et si délié
qu’il pourrait, avec un peu d’étude, briller dans tous les domaines où le roi
le pourrait employer.
    — Toinon m’a dit qu’il était allemand.
    — Il ne l’est qu’à demi, sa mère est française et fort
bien apparentée, puisqu’elle est la nièce du maréchal de Brissac. Son père,
originaire en effet de Lorraine, s’appelait Betstein. À sa mort, Bassompierre
fut présenté par sa mère à Henri IV, obtint de lui sa naturalisation et
traduisant son nom en français, de « Betstein » il fit
« Bassompierre ».
    Mon père ne s’était pas trompé sur l’avenir brillant qui
attendait Bassompierre et nous pûmes, au cours des aimées qui suivirent,
assister à son émerveillable ascension. Parfait courtisan, et se voulant toujours,
selon ses propres paroles, « le paroissier de qui est le curé », il
servit avec la même souplesse et la même fidélité nos successifs
souverains : Henri IV, Marie de Médicis et Louis. Et il les servit
fort bien. Chef d’armée toujours heureux en ses campagnes, il mena aussi à
bonne fin des missions diplomatiques délicates en Espagne, en Suisse et en
Angleterre.
    Ces talents et ces services furent récompensés. En 1622,
Louis le nomma maréchal de France et, parvenu à ce sommet, Bassompierre put
enfin épouser la dame qu’il admirait le plus à la Cour de France : ma
demi-sœur, la princesse de Conti. Notre homme se crut à la fois au sommet de
ses ambitions et au comble du bonheur. Il ne savait pas combien ce mariage
allait lui être fatal et raccourcir la distance qui sépare le Capitole de la
roche Tarpéienne [23] .
     
    *
    * *
     
    — Belle lectrice, plaise à vous de me secourir dans
l’embarras où je me trouve en cet endroit de mon récit.
    — Vous, Monsieur, embarrassé ? Il n’y paraît pas.
Où est l’écueil ?
    — Cet écueil, Madame, est la répétition. Car j’en suis
arrivé au point que, pour parfaire mon portrait de Monsieur de Bassompierre, je
me dois de rappeler, fut-ce en bref, certains traits dont déjà j’ai dit ma
râtelée dans le volume précédant celui-ci…
    — Devez-vous à force forcée nous les redire ? Ne
faites-vous pas plus fiance aux mérangeoises de vos lecteurs ? Ont-ils
déjà tout oublié ?
    — Nenni ! Je crains seulement que ceux d’entre eux
qui liront ce volume-ci de mes Mémoires sans avoir lu le précédent ne soient
pas à même d’entendre mon différend avec Monsieur de Bassompierre.
    — Mais pour ma part, comte, je me ramentois fort bien
les raisons de ces estrangements. Vous avez mis en garde votre demi-sœur
bien-aimée contre les dangers qu’elle courait en trempant dans les complots
scélérats de la Chevrette [24]  –
cette succube échappée de l’Enfer ! Mais la princesse, étant fort haute,
vous a rudement rebuffé, jurant de ne plus vous voir. Là-dessus, Bassompierre
épouse la princesse et épouse du même coup toutes les partialités des
vertugadins diaboliques [25]  : notamment leur haine à
l’endroit de Richelieu, leur déprisement du roi, et de ceux qui les servent.
    — C’est bien cela ! Mais comment entendre, belle
lectrice, qu’une femme comme la princesse de Conti, vive et spirituelle, mais
sans étude ni talent, puisse acquérir une telle emprise sur un homme comme
Bassompierre ? N’est-ce pas là un parfait exemple de ce qu’on a appelé
« la tyrannie du faible sur le fort » ?
    — Oui-da, Monsieur, voilà qui est bel et bon !
Mais d’un autre côté, si le fort se laisse tyranniser par le faible, ne
serait-ce pas qu’il est moins fort qu’il n’a cru ?
    — Belle lectrice, je vous admire. Quoi que je dise,
vous le tournez toujours à l’avantage des

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