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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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moi), vu que je suis à votre
service, j’ai cru bon, Monsieur le Comte, de vous suivre, pensant vous être
utile dans les occasions.
    — Et fourrer ton petit nez partout ! Mais puisque
tu es là, Perrette, tu vas nous servir, en effet. Gagne tout de gob ma chambre.
Dans le tiroir de mon chevet, prends une petite boîte blanche. Garde-toi de
l’ouvrir. Elle contient la fameuse « poudre des jésuites », lesquels
la vendent excessivement cher. Si tu en verses fut-ce deux ou trois grains par
terre, je te pendrai de mes mains à l’aube. Prends aussi, dans le même endroit,
un petit cuiller, un gobelet que tu rempliras d’eau et apporte-moi le tout sans
tant languir.
    — Me pendrez-vous vraiment, Monsieur le Comte ?
dit Perrette en me faisant des petites mines plaintives.
    — Obéis, effrontée façonnière ! dit Madame de
Bazimont. Et obéis sur-le-champ ! Ou je vais te bailler, moi, la plus
grande buffe qui se puisse donner.
    Là-dessus, Perrette disparut comme souris dans son trou, et
Madame de Bazimont dit en secouant la tête :
    — Je ne sais si j’ai bien fait de la mettre à votre
service, Monsieur le Comte, dit-elle. Elle est vive, certes, et très dévouée et
ne craint pas sa peine, mais je la trouve bien impertinente.
    — Nenni, Madame. Ne changez rien à vos dispositions.
Perrette fera l’affaire. Et quant à son impertinence, je me fais fort de la
brider.
    Un moment plus tard, Perrette, apportant le gobelet plein
d’eau, un petit cuiller et la « poudre des jésuites », je donnai de
celle-ci quelques grains à Luc, lequel les reçut comme le Saint-Sacrement.
Comme bien sait ma belle lectrice, si elle a lu le tome de mes Mémoires
précédant celui-ci, cette poudre n’était autre que l’écorce d’un arbre appelé quinaquina dont les Indiens d’Amérique et après eux les jésuites faisaient une poudre, laquelle
possédait la vertu miraculeuse d’abaisser la fièvre la plus haute. Je laissai
donc Luc tout rebiscoulé par l’espoir d’une prompte guérison et soupai au bec à
bec avec Nicolas à qui je ne dis quasiment ni mot ni miette pendant le repas,
pensant à la digue, aux longueurs de l’hiver, à l’incertitude de la guerre, à
mon domaine d’Orbieu et à Madame de Brézolles, et aussi – que Dieu me
pardonne ! – aux impertinences de Perrette…
    Je ne m’attardais pas à prendre la tisane du soir, étant las
et me voulant mettre entre deux draps sans tant languir. Mais j’avais à peine
gravi les marches qui conduisent à l’étage noble que Perrette surgit quasiment
de nulle part et ouvrit la porte de ma chambre.
    — Mais que fais-tu là, Perrette ? dis-je.
    — Accomplir une de mes tâches, Monsieur le Comte :
vous aider à vous déshabiller.
    Ce qu’elle fit devant un beau feu flambant, l’huis reclos
sur nous, avec une dextérité qui montrait qu’elle n’ignorait rien des vêtures
masculines. Toutefois, son adresse n’avait rien de commun avec celle de Luc.
Elle était tendre, délicate et quasiment caressante. De sa taille, elle avait
une tête de moins que moi, tant est qu’elle me considérait de bas en haut d’un
air doux et languissant, lequel, tirant ma vue vers le bas, me forçait de
m’attarder sur ses beaux yeux bleus, sa face fraîchelette et son décolleté
généreux.
    Dès que je fus nu en ma natureté, elle m’assura que le feu
m’avait fait transpirer et, saisissant une serviette, elle entreprit de me
bichonner de haut en bas. Ce qu’elle fit avec une force et une douceur qui me
comblèrent d’aise en même temps qu’elle me babillait des louanges sans fin sur
ma netteté – la plupart des hommes, affirma-t-elle, étant sales –,
sur mes bonnes proportions, ma bonne mine, la douceur de ma peau, et la vigueur
de ma membrature. Elle eût continué une minute de plus à me caresser ainsi de
la voix et de la main, c’en était fait, j’étais déjà tout alangui, encore que
ce ne soit pas là le terme le plus propre à décrire mon état. À la parfin, je
me ressaisis, lui dis que j’avais trop sommeil pour être bichonné, la
remerciai, lui donnai son congé, refermai l’huis sur elle, content, mais non
heureux de l’avoir repoussée de ma couche, sinon, hélas, de mes pensées, me
demandant, dans la nuit désommeillée qui suivit, si j’avais bien fait de
m’exposer à tous les tourments de la chair en résistant à la tentation.
    Toutefois, belle lectrice, tenant prou à votre estime, je ne
voudrais pas que

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