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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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là-dessus, il demeura les yeux fichés à terre dans un
grand pensement. Je me demandais, quant à moi, à quoi et à qui il pensait. À
son père qu’il tâchait d’imiter en tout, sauf en sa vie dissolue ? Ou à sa
mère, marâtre désaimante, rabrouante, rabaissante et bornée ? Est-ce à
elle qu’il fallait attribuer le peu d’amour que Louis portait au gentil
sesso, lequel avait été pour lui, en ses maillots et enfances, il
cattivo sesso [35] , le
privant à jamais de tendresse pour la moitié la plus charmante de l’espèce
humaine et, à la parfin, réduisant l’amour conjugal à un devoir dynastique
accompli avec conscience, mais sans gaieté de cœur, ni de corps, cinq ou six
fois par mois ? Mais, à parler ici à la franche marguerite, quel roi
aurait pu aimer d’amour tendre une reine qui avait été subrepticement partie à
un complot visant à l’assassiner pour que son frère pût l’épouser ?
    Richelieu gardait, lui aussi, les yeux baissés mais, pas
plus que son chat, il n’avait besoin de ses yeux pour sentir l’humeur de son
maître, laquelle, bien qu’assouagée, se ressentait encore de l’orage qui
l’avait précédée. Le roi baissant les yeux à son tour, le cardinal releva les
siens vivement et m’adressa un regard connivent et j’entendis alors que le
cardinal se trouvait fort content de ce que j’avais dit à propos de la digue.
Car à ouïr les plaintes désolées du roi sur le lieu, le climat et l’extrême
ennui qu’il y trouvait, Richelieu n’avait pas laissé d’entendre que Louis chancelait
dans sa résolution de poursuivre les travaux de la digue – gouffre
peut-être inutile de peines et de pécunes – et pis encore, que la
tentation grandissait en lui de tout planter là et de se retirer à Paris.
    — Mon cousin, dit enfin le roi en sortant de ses rêves,
j’ai reçu ce matin une lettre-missive de la duchesse douairière de Rohan que
j’aimerais que vous lisiez.
    — Sire, dis-je, conscient que cette lettre ne me
concernait pas, peux-je quérir de vous mon congé ?
    — Nenni, Sioac, dit Louis en retrouvant à mon
endroit son affabilité coutumière, tu es membre de mon Conseil, et quand mon
cousin le cardinal aura opiné, j’aimerais aussi connaître ton avis.
    Et mettant la main à la poche pratiquée dans la manche de
son pourpoint, Louis en retira la lettre de la duchesse et la tendit au
cardinal, lequel la parcourut de prime d’un œil rapide, et la relut ensuite,
plus lentement, comme pour s’assurer que rien de son contenu ne lui avait
échappé.
    — Eh bien, mon cousin, qu’en pensez-vous ? dit le
roi avec quelque impatience, mais sans l’aigreur qu’il avait montrée au début
de cet entretien.
    — Sire, la supplique que vous adresse dans cette
lettre-missive Madame la duchesse douairière de Rohan me paraît fort étrange,
pour ne pas dire messéante. Elle a l’audace de vous prier de permettre aux
femmes et aux enfants des Rochelais de sortir des murailles de leur ville afin
qu’ils ne pâtissent plus longtemps des souffrances du siège. À l’endroit de
cette supplique, je désirerais présenter à Votre Majesté les remarques suivantes : primo, la duchesse douairière de Rohan, non seulement par sa famille
mais aussi par ses convictions, est désignée dans votre déclaration du quinze
août 1627, déclaration que vous avez vous-même rédigée et que je citerai, Sire,
avec votre permission : «  Soubise et tous les Français qui ont
adhéré ou se joignent au parti anglais, le favorisent ou l’assistent, sont
réputés rebelles, traîtres et perfides à leur roi, déserteurs à leur patrie,
criminels de lèse-majesté au premier chef. »
    — Comment, mon cousin ? dit le roi, vous
connaissez ma déclaration par cœur ?
    — Oui, Sire, pour la raison que cette déclaration est
de la plus grande conséquence. Elle établissait votre bon droit et, par
conséquent, la légitimité de votre expédition contre les rebelles. Dans cette
déclaration, trois criminels de lèse-majesté sont désignés : nominalement,
Soubise ; implicitement, le duc de Rohan qui tâche à’steure de soulever
par les armes contre vous le Languedoc huguenot ; et enfin la dernière,
mais non la moindre, la duchesse douairière de Rohan qui est l’âme de la
rébellion dans les murs de La Rochelle. Elle est donc, comme ses deux fils,
responsable au premier chef de la guerre que les Rochelais nous ont déclarée en
tirant les premiers

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