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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qui se passa ensuite nous remplit à tel point de
stupeur et d’épouvante que d’aucuns d’entre nous, abandonnant chevaux et
équipages, coururent se cacher au plus profond des tranchées les plus proches.
Une large tache, sinon noire du moins noirâtre, ou si l’on veut charbonneuse,
apparut sur le côté supérieur de la lune et commença à se répandre sur elle
puis, s’élargissant peu à peu, la recouvrit en sa presque totalité. Je dis
presque, car les bords se mirent en même temps à briller d’une étrange lumière
rougeâtre comme si la lune flambait sous l’effet du monstre qui le recouvrait.
Alors on n’entendit plus, s’élevant de tous côtés, du plus profond des
tranchées, que des cris d’effroi, des plaintes, des prières et de sinistres
prédictions. Si la lune brûlait, comme elle avait l’air de le faire, le soleil
n’allait pas tarder à brûler, lui aussi, et la terre serait plongée dans des
ténèbres glacées et ce serait la fin du monde et de l’espèce humaine.
    Cette folie dura peu, car la lune se dégagea par degrés de
l’ombre qui la recouvrait, et sa réapparition aurait se peut calmé les esprits,
si un vent très violent ne s’était alors levé, suivi d’une effroyable tempête.
Quand enfin nous parvînmes, aveuglés par la pluie et les éclairs à
Saint-Jean-des-Sables, nous ouïmes, avant même que de les voir, des lames
énormes déferler sur le rivage. Fort imprudemment, Nicolas et moi nous
avançâmes nos chevaux assez loin à leur encontre sur la plage, mais tout
soudain nos montures s’effrayèrent et faisant de soi fort brusquement
demi-tour – ce qui faillit me désarçonner, car j’avais abandonné mes rênes
sur l’encolure de mon Accla – elles galopèrent sur le sable jusqu’à la
terre ferme, et non sans raison, car une vague monstrueuse, que leur instinct
avait vue venir bien avant nous, leur balaya par-derrière les jambes jusqu’au
ventre, le ressac qui s’ensuivit les faisant reculer de plusieurs pas, mais, la
Dieu merci, sans réussir à les abattre. Le péril passé, nous n’eûmes pas à les
éperonner, mais plutôt à les brider, car elles galopèrent comme fols jusqu’au
château de Brézolles.
    Nous trouvâmes l’écurie toute en révolution, non seulement
en raison de l’éclipse de la lune, mais du fait du vent violent et des éclairs.
Les chevaux étaient inquiets, agités, hennissants, frappant parfois du sabot
les parois qui les séparaient les uns des autres et nous vîmes nos Suisses très
occupés à courir de tous côtés pour resserrer les liens et assurer les verrous
et aussi à boucher avec de la paille les ouvertures qui avaient été pratiquées
entre le toit et les hauts de murs pour aérer les chevaux. Nous leur baillâmes
nos montures à bichonner et un peu plus tard, je fis porter à Hörner par un
valet cinq flacons de mon vin de Loire pour les rebiscouler, ses hommes et lui
de leurs frayeurs, de leurs peines et du froid.
    Dans le château, quand enfin nous y trouvâmes refuge,
mouillés comme des barbets et quasi titubants, nous vîmes les valets courir eux
aussi de tous côtés pour fermer ou consolider les portes, les fenêtres et les
contrevents, et les chambrières (fort déconfortées de faire le travail des
valets) portant les bûches dans les chambres pour allumer les feux, Madame de
Bazimont, qui me parut la seule dans le tohu-bohu général à conserver la
capitainerie de son âme, me dit que j’avais une grande heure pour me préparer
au souper, que le révérend docteur chanoine Fogacer (elle n’omit aucun de ses
titres) était en train de soigner Luc, et qu’elle l’avait invité à souper et
aussi à coucher, car elle noulait le voir repartir dans le noir de cette
horrible tempête pour regagner son logis.
    Laquelle tempête, de reste, s’apaisa aussi subitement
qu’elle était apparue. Madame de Bazimont, néanmoins, ne changea pas sa
décision de loger Fogacer. Elle était tout à plein raffolée de lui et en la
quittant, je me fis cette réflexion qu’il était heureux que Fogacer n’aimât pas
les femmes – ou du moins ne les aimât pas dans leur chair – car il
possédait une telle adresse à les conquérir qu’il se serait damné plusieurs
fois, depuis qu’il était d’Église. Madame de Bazimont ajouta que François ne
pourrait ni me déshabiller ni me rhabiller pour le souper ni passer la
chaufferette sur mes draps, car il était occupé à consolider les contrevents,
se

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