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La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
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conditions, les chercheurs allemands réalisèrent l’intérêt
que pouvait présenter un agent chimique extrêmement persistant et surtout dont
le mode d’action serait radicalement différent de celui de ses prédécesseurs.
Le masque respiratoire avait atteint un tel degré de perfectionnement qu’il
fallait désormais envisager une voie de contamination autre que les poumons ou
les muqueuses. Un toxique dont l’action s’effectuerait au travers de la peau
présenterait des avantages importants car il faudrait déployer des moyens
considérables pour protéger les hommes contre ses effets. De manière
apparemment indépendante, le P r  Steinkopf, du KWI, et le D r  Lommel,
de Bayer, proposèrent le sulfure d’éthyle dichloré [570] qui paraissait
réunir ces qualités. Dès le mois de septembre 1916 [571] , ils
commencèrent à tester l’utilisation militaire de plusieurs vésicants, dont le
sulfure d’éthyle dichloré et le sulfate de diméthyle. Décision fut prise de
retenir le premier en raison de son extrême toxicité et de ses propriétés
véritablement infernales : ce corps attaque les muqueuses et la peau, les
ronge en les nécrosant et rend même dangereux, des jours plus tard, le moindre
contact avec un objet qui a été un tant soit peu imprégné. D’aspect huileux,
incolore ou ambré, ce liquide dégage une légère odeur d’ail ou de moutarde qui
lui donnera l’une de ses appellations : le gaz moutarde [572] .
Il est très peu volatil, et par conséquent pouvait contaminer des zones de
terrain, des vêtements pendant une longue période.
    Les Allemands entreprirent au printemps 1917 de
produire des munitions remplies de cet agent pour leur artillerie de 77 et 105 mm.
Elles reçurent le nom de obus croix jaune. Il fut cependant convenu
à l’OHL que ces nouveaux projectiles, compte tenu des espoirs que l’on plaçait
en eux, ne devaient être utilisés qu’au moment où les stocks seraient jugés
suffisants, et pour une opération de grande envergure. Ce moment fut atteint au
début du mois de juillet 1917 [573] . Dans la nuit du
12 au 13 juillet, l’artillerie allemande déclencha un bombardement nourri
(environ 50 000 obus) sur les positions tenues par les 15 e et 55 e  divisions britanniques entre Saint-Jean et Potijze, près
d’Ypres [574] .
Dans un premier temps, les fantassins ne réalisèrent pas qu’ils étaient les
victimes d’une attaque chimique. C’est à peine si certains d’entre eux notèrent
une légère odeur d’ail ou de moutarde qui flottait dans l’air. Aussitôt après l’attaque,
les hommes retournèrent dormir. Ce n’est que quelques heures plus tard, au
lever du jour, qu’ils se réveillèrent avec des douleurs intolérables aux yeux [575] .
Ils commencèrent tous à vomir de manière incontrôlée et il fallut des
injections de morphine pour calmer leurs atroces souffrances. Les symptômes s’aggravaient
cependant d’heure en heure et les fantassins britanniques s’effondraient les
uns après les autres. Les rapports qui retracent les conséquences de l’attaque
sont édifiants : « Pour les cas les plus bénins, les hommes
temporairement aveugles étaient évacués en file indienne vers les postes
médicaux. Leurs visages étaient congestionnés, bouffis, et des cloques
constellaient la partie inférieure de leurs faces et de leurs nuques. Quelques
hommes souffraient de brûlures étendues sur les fesses et le scrotum avec
souvent des œdèmes sur le pénis. Les vésica-tions sur ces parties du corps
étaient la conséquence de posture de repos sur des terrains contaminés. Plus
les heures passaient plus les symptômes s’aggravaient. Des portions entières de
peau se transformaient en brûlure purulente d’où s’écoulait un hquide jaunâtre.
Le gaz pouvait aisément traverser les vêtements, corroder la peau aux endroits
les plus sensibles, le coude, le genou, le cou et les cuisses. » [576] Les rapports d’autopsie n’étaient pas plus réjouissants : « Les corps
examinés quelques heures après la mort présentaient invariablement une
décoloration de la peau sur le cou, le scrotum et les parties génitales mais
aucune blessure apparente. Un examen plus poussé révélait une irritation des
yeux, de la bouche, du nez. » [577] Les propriétés
insidieuses du gaz moutarde sont parfaitement illustrées par ce rapport
officiel britannique : « Une batterie fut bombardée de 22 heures
à minuit, puis de 1 h 30 à

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