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La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
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de
dissimuler à l’ennemi les effets de son attaque. De fait, le nouveau gaz
allemand se révélait diaboliquement efficace. Durant les trois premières
semaines d’utilisation de l’ypérite, les Britanniques subirent près de 14 200 victimes
dont 489 décédèrent, soit autant que le total des pertes subies à l’occasion
des bombardements chimiques de toute l’année 1916. Les chiffres sont en effet
éloquents : du 21 juillet 1917 au 23 novembre 1918,
les forces britanniques dénombrèrent 160 970 gazés dont 1 859
furent mortellement atteints ; 70 % des victimes étaient des ypérités [584] .
Les forces françaises, relativement épargnées par les premiers bombardements à
l’ypérite, virent rapidement le nombre des gazés passer de 3 122 pour le
premier semestre 1917, à 10 533 pour le second semestre et 52 402
pour le troisième [585] .
La majorité de ces hommes souffraient de lésions de la peau et des yeux. Ainsi,
au cours de la dernière année de la guerre, pendant laquelle l’ypérite fut le
principal agent chimique utilisé par les forces allemandes, le pourcentage des
victimes alliées des gaz ramené au nombre total des pertes passa de 7,2 %
pour l’année 1917 à 15 % en 1918. Si, en 1918, seuls 2,4 % des gazés
décédaient, alors qu’ils étaient 3,4 % en 1917, un soldat, aussi
légèrement atteint qu’il pût être, se voyait hors d’état de combattre pendant
deux ou trois mois. De fait, l’ypérite blessait plus qu’elle ne tuait. Sur l’ensemble
du conflit, le gaz moutarde fut responsable de huit fois plus de victimes que
les autres toxiques utilisés par les troupes allemandes.
    Cependant, pour efficace qu’il fût, le nouvel agent chimique
allemand n’était pas sans causer de sérieuses difficultés industrielles. En
effet, cette substance était si délicate à manipuler que Bayer, qui le
fabriquait pour l’armée allemande, refusa d’assurer son remplissage dans les
obus. Le Kriegsministerium décida donc de créer, sur le site de Breloh, dans la
lande de Lüneburg près de Hanovre, un vaste complexe afin de réaliser les
tâches que Bayer refusait d’effectuer. Sa construction nécessitant plusieurs
mois, il fallut rapidement trouver une solution intérimaire. Début 1917, le P r  Haber
conclut avec une entreprise chimique berlinoise, CAF Kahlbaum, un contrat
scellant la construction à Adlershof, dans la banlieue est de la capitale
allemande, d’une usine où serait assuré le remplissage des projectiles en gaz
moutarde. En juin, en dépit d’un incendie début mai, qui détruisit totalement
les installations pratiquement achevées, ces dernières furent déclarées
opérationnelles. Malgré des conditions de travail exécrables, les 2 800 travailleurs
parvinrent à une production maximale de 24 000 obus par jour [586] .
Enfin, vers septembre 1918, le site de Breloh entra en préproduction. Les
Alliés ne possédaient pas, en juillet 1917, d’installations chimiques
susceptibles de synthétiser le sulfure d’éthyle dichloré. Aussi, il fallut
attendre plusieurs mois avant que les troupes franco-britanniques puissent, à
leur tour, disposer de munitions contenant du gaz moutarde. Malgré les demandes
pressantes de Foch [587] ,
les Français ne purent fournir leur artillerie avec ce toxique qu’en juin 1918,
près d’un an après son introduction par les forces allemandes, et les
Britanniques trois mois plus tard, en septembre 1918. La production de l’ypérite
posait en effet des problèmes industriels et techniques énormes. Les Alliés
devaient édifier des unités de production ex nihilo. L’innovation
allemande posait de telles difficultés [588] que les Alliés
décidèrent de se réunir à Paris au cours du mois de septembre 1917 pour
une conférence consacrée uniquement à la guerre chimique et aux mesures qu’il
convenait d’adopter face au nouveau péril constitué par le gaz moutarde [589] .
    Dès 1860, le sulfure d’éthyle dichloré et ses propriétés
avaient été décrits par des chimistes européens, F. Guthrie, H. T. Clarke
(Grande-Bretagne), et Victor Meyer (Allemagne) [590] . Il existait
plusieurs méthodes pour synthétiser ce vésicant. Le procédé de Victor Meyer, le
plus simple, utilisait le monochlorhydrine de glycol [591] comme matière
première. Les Alliés, contrairement aux Allemands, ne disposaient pas du
savoir-faire technique pour produire ce composé à des prix raisonnables. Aussi,
les

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