La grande guerre chimique : 1914-1918
utilisation. D’une
manière générale et malgré le danger, beaucoup de fantassins répugnaient à
porter leur masque en permanence et particulièrement lors d’un effort physique
violent dans la mesure où cela pouvait s’avérer fort inconfortable, voire intolérable [705] .
L’effort de pédagogie des officiers portait essentiellement sur l’importance
des protections respiratoires et la nécessité de les revêtir promptement à la
moindre alerte. Au fil des perfectionnements tactiques de l’artillerie, l’ensemble
des belligérants ordonnèrent le port du masque lors de tous les bombardements
intensifs, qu’ils soient chimiques ou conventionnels.
Les inspections du matériel et les exercices étaient
fréquents. Ces derniers consistaient essentiellement en la répétition, jusqu’aux
performances désirées (soit environ sept secondes), de l’opération, qui
consistait à revêtir son masque tout en « stoppant » [706] sa respiration. Quand cela était possible, ces exercices étaient conduits dans
des chambres emplies de gaz lacrymogènes ou même de chlore à faibles
concentrations dans le but de sensibiliser les hommes aux dangers du gaz.
L’importance de la discipline en matière de lutte chimique
fut cruellement mise en évidence lors de l’apparition du projecteur Livens. Cette technique mise au point par les forces britanniques permettait d’obtenir
des concentrations de gaz non seulement inconnues jusque-là mais surtout de
manière instantanée. L’OHL était fort préoccupé par les nouveaux périls qui
menaçaient les fantassins : « Les Britanniques ont remporté des
succès considérables à l’aide de mines à gaz tirées simultanément par des
projecteurs sur un objectif ponctuel. Nous subissons de nombreuses pertes car
la concentration en toxiques obtenue est si élevée qu’il suffit d’une seule
inspiration pour mettre un homme hors de combat. » [707] Ainsi, la
soudaineté des attaques chimiques imposait une discipline contraignante et une
attention extrême. Cette rigueur se révéla de plus en plus importante au fil
des améliorations régulières des techniques de lutte chimique.
L’ensemble des belligérants adopta également dans les
tranchées des systèmes d’alerte aux gaz sous la forme de cloches ou de sirènes
caractéristiques dont le timbre devint rapidement familier aux oreilles des
combattants. Rudimentaires au début de la guerre, les divers systèmes d’alerte
furent rapidement standardisés, et dès la fin de l’année 1916 chacune des
armées disposait d’un réseau d’alerte homogène contre les attaques chimiques. À
partir de cette date, il fut extrêmement rare qu’une attaque par nuée
dérivante, même nocturne, ne soit pas signalée par une alerte sonore. En
certains endroits du front, le réseau allemand s’étendait jusqu’à 6 ou 7 km
en arrière du fiont. Ces systèmes étaient activés par les sentinelles mais
également par les informations recueillies par les hommes pendant leur séjour
sur le front. Les bruits caractéristiques des installations de cyhndres étaient
facilement décelables et l’alerte immédiatement donnée. Il n’en allait pas de
même lors des attaques de projecteurs, qui n’étaient précédées que d’un flash
intense au moment de l’ignition des bombes une dizaine de seconde à peine avant
que le gaz ne s’abatte sur les positions visées. Ce vecteur ne laissait que
quelques secondes aux hommes pour revêtir leurs masques. Peu avant la fin de la
guerre, les troupes américaines se virent interdire de dormir à moins de 1 500 m
des lignes ennemies lorsqu’une attaque de projecteurs était pressentie.
En 1916, les autorités militaires françaises créèrent un « Cours
spécial des gaz » sous la responsabilité du colonel inspecteur des Études
et expériences chimiques [708] . Ce cours,
dispensé au sein de l’École de Pharmacie de Paris, recevait chaque semaine, et
pendant trois ou quatre jours, 75 officiers venus du front. Ces derniers
étaient formés à tous les aspects théoriques et pratiques de la guerre chimique
moderne. Un grand nombre d’officiers alliés étrangers participait également à
ce cours qui, longtemps fut dirigé par le capitaine Tassily de l’École de
Pharmacie. Au mois de février 1917, 1 500 officiers avaient
suivi cette formation [709] . Dès le début de
l’année 1917, dans l’armée française, chaque état-major de grande unité
disposait d’un
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