Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
Vom Netzwerk:
mesure
d’émettre des recommandations fiables. Cependant, même après la diffusion de
ces publications, les soins demeurèrent relativement rudimentaires. Ainsi la
morphine était largement utilisée dans les cas les plus sérieux et, si ses
qualités thérapeutiques étaient faibles, elle avait au moins le mérite de
soulager l’agonie souvent atroce des gazés. La codéine, en vogue au cours de l’hiver 1915-1916,
permettait de réduire les sécrétions des bronches ainsi que les spasmes. Les
sels d’ammoniac étaient également fréquemment utilisés ainsi que la digitaline
et le camphre en injection en guise de tonique cardiaque. Ces essais
thérapeutiques ne furent dans la plupart des cas que des pis-aller dans la
mesure où les connaissances scientifiques et médicales de l’époque ne
permettaient pas de soigner les inflammations pulmonaires par toxiques gazeux.
Il fallut d’ailleurs attendre le début des années cinquante et l’apparition de
la cortisone pour que la médecine devienne capable de traiter ces affections.
En fait, et cela fut valable pour toute la durée du conflit, les seuls soins
dont pouvaient bénéficier les gazés étaient l’inhalation d’oxygène et un long
séjour à l’hôpital puis en sanatorium où, plus que les drogues, le temps seul
pouvait panser leurs blessures.
    Au cours de l’année 1918, la pathologie la plus commune n’était
plus l’inflammation des poumons et des voies respiratoires mais plutôt les
brûlures et les vésications produites par le gaz moutarde. Si les blessures
provoquées par le sulfure d’éthyle dichloré étaient particulièrement
douloureuses, elles n’étaient que rarement mortelles. Elles nécessitaient
cependant des soins intensifs et mobilisaient donc un personnel médical
important. Les vésications pouvaient être traitées avec des crèmes à base d’oxyde
de zinc, de talc et de vaseline, mais le plus important consistait à maintenir
les plaies dans un environnement stérile ainsi que d’éviter les frictions,
particulièrement douloureuses et sources d’infections. Les muqueuses étaient
les zones les plus sensibles aux vésications produites par l’ypérite et, dans
les cas les plus sérieux, la guérison pouvait prendre plusieurs mois. Les
affections oculaires, certes spectaculaires, étaient généralement passagères et
prenaient la forme de conjonctivites aiguës qui pouvaient provoquer une cécité
temporaire. Dans les cas les plus sérieux d’inhalation de gaz moutarde, l’irritation
des poumons et des voies respiratoires pouvait dégénérer en pneumonie et
provoquer la mort du patient. Ces complications représentaient environ 1 à 3 %
des cas de blessures par gaz moutarde [718] chez les
Français et les Britanniques. Ces chiffres étaient légèrement inférieurs à ceux
observés par les services médicaux de l’armée allemande (environ 3,5 %
pour les soldats allemands) au cours de l’été 1918 [719] . Cette
différence s’explique essentiellement par l’état moral et physique déplorable
de l’armée allemande au cours des derniers mois du conflit.
    Dès le début de l’année 1917, chacune des armées
belligérantes disposait d’une organisation médicale adaptée aux pathologies des
gaz. Au fil d’échelons successifs, des premières lignes vers l’arrière, les
blessés étaient évacués puis distribués selon le mal dont ils étaient affectés.
Hors de portée de l’artillerie à courte et moyenne portée se trouvaient les
hôpitaux de campagne qui étaient dotés de postes d’oxygénation. Après un
diagnostic souvent difficile à établir dans la mesure où il était ardu de
déterminer à quelle quantité de gaz et pendant combien de temps le blessé avait
été exposé, les gazés étaient soigneusement lavés et traités en fonction des
symptômes qu’ils présentaient [720] puis, si leur état le permettait, rapidement évacués vers des centres médicaux
spécialisés plus éloignés du front. Au bout de vingt à vingt-quatre heures, il
était enfin possible d’émettre un diagnostic précis et de prononcer un
pronostic fiable.
    L’apparition de l’ypérite et ses ravages, notamment lors des
batailles autour du mont Kemmel au printemps 1918, obligèrent les
autorités françaises à réformer l’organisation de leurs services médicaux. En
juillet 1918, le D r  Paul fut nommé directeur de la section
des gaz, qui était rattachée au cabinet du sous-secrétariat d’État

Weitere Kostenlose Bücher