Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
Vom Netzwerk:
maigres comme des baguettes.
    —  L’aumône, le bien, je les pratique du matin au soir… J’y consacre mon sacerdoce   ! répliqua sèchement le prêtre qui n’appréciait qu’à moitié la remarque.
    On ne badinait pas avec le jésuite au sujet de sa conduite, songea Antoine, qui ne savait plus trop comment rattraper sa bévue.
    —  Je ne suis pas encore tout à fait habitué à la Chine… C’est si différent de la France   !
    Jaillie comme un trait de flèche lumineuse des eaux à nouveau immobiles du canal, une carpe sauta dans le ciel.
    —  Vous verrez, dans quelques semaines, vous serez ici comme un poisson dans l’eau… Comme cette carpe, monsieur Vuibert. Oui   ! Comme cette belle carpe habituée à la vase où elle reste tapie   !
    —  Avant d’aller voir ce qui se passe ailleurs   ! lâcha en riant le Français au moment où le gros poisson venait d’effectuer un nouveau bond en laissant derrière lui une pluie de gouttelettes irisées.

 
    21
     
    Canton, 29 mai 1847
     
    Il était six heures du soir lorsqu’on frappa à la porte du pasteur Roberts. Dans moins d’un quart d’heure, le manteau moite et étouffant des nuées nocturnes envelopperait Canton dans ses plis amples et collants. Très rares étaient les visiteurs qui venaient voir l’Américain après le coucher du soleil. Il n’aimait pas veiller aussi tard. Les pauvres qui continuaient à stationner devant sa porte, en quête de vêtements et de nourriture, étaient alors priés d’attendre jusqu’au matin.
    Aussi fut-ce avec un certain agacement que Mélanie Bambridge, barrant la route à Barbara Clearstone, se précipita. Depuis que l’épouse de Brandon s’était installée au presbytère avec ses deux enfants, la vieille fille, qui craignait d’être détrônée dans son rôle de gouvernante, mettait un point d’honneur à être la première lorsqu’il s’agissait d’aller ouvrir la porte ou de lui servir le thé.
    Elle revint, quelques secondes plus tard, la moue dubitative.
    —  Mon révérend, il y a là un homme qui souhaite vous voir. Il prétend connaître la lumière du Christ   ! Rien que ça   ! soupira-t-elle en levant les yeux au ciel.
    —  C’est fou le nombre de pauvres gens qui veulent connaître le Christ   ! ne put s’empêcher de déclarer Barbara Clearstone, ce qui lui valut d’être foudroyée du regard par sa rivale.
    —  Est-il chinois ou bien mandchou   ? lâcha Issachar Jacox en sortant la tête de la grosse Bible à la tranche couleur pastèque ouverte devant lui.
    Malgré la chaleur ambiante, il était, comme à l’accoutumée, habillé en clergyman, c’est-à-dire d’une redingote ajustée qu’il boutonnait jusqu’au col et d’un pantalon rayé et gansé. Ses aisselles auréolées par la transpiration empestaient d’une entêtante odeur de ranci.
    —  Je serais bien incapable de le dire, mon révérend. Il baragouine à peu près le pidgin. D’après ce que j’ai compris, cet individu travaillait à la fonderie de Foshan avant sa fermeture, répondit Bambridge.
    Depuis que les Anglais importaient leurs clous en Chine, les plus grandes fonderies fermaient les unes après les autres, malgré l’excellente qualité de leurs produits. Mais les coûts salariaux de l’Angleterre restaient imbattables et surtout les usines britanniques tournaient de façon bien plus efficaces que les immenses ateliers chinois où l’on ignorait encore ce qu’était l’organisation efficace du travail. Ces deux faits expliquaient l’incapacité des Chinois à lutter contre cette concurrence.
    —  Dites-lui de revenir demain. Je n’ai pas achevé ma lecture du livre d’Isaïe   ! marmonna l’Américain, qui détestait qu’on le dérange pendant ses lectures saintes.
    Docilement, Bambridge repartit vers l’entrée, avant de réapparaître, quelques secondes plus tard, l’air profondément contrarié.
    —  Mon révérend, l’individu en question insiste…
    —  Qu’il revienne demain à la première heure   !
    —  Il dit que le malheur s’abattra sur cette maison si vous ne daignez pas le recevoir   ! gémit la vieille fille, qui se tordait les mains de désespoir, comme si le ciel était à la veille de tomber sur le presbytère.
    Tout cela paraissait grotesque à Roberts qui commençait à s’agacer sérieusement.
    —  Allez lui dire que ses menaces me laissent de marbre.
    —  Mon révérend, c’est qu’il n’a pas l’air de plaisanter. Si vous

Weitere Kostenlose Bücher