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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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si j’en juge par son insistance…
    —  Vraiment   ? bredouilla Antoine, que les propos de Freitas à la componction toute ecclésiastique commençaient à troubler sérieusement.
    —  Si je vous le dis   !
    —  C’est que, père Freitas, vous m’en voyez surpris…
    —  Vous êtes français… Vous parlez parfaitement le chinois et la compagnie Jardine & Matheson commerce très peu avec la France… Peut-être vous proposera-t-il d’entrer dans la danse avec lui… fit le jésuite, tout excité.
    Il parlait à présent d’une drôle voix de fausset et avec de grands gestes qui brassaient l’air.
    —  Ce serait extraordinaire   ! laissa échapper Antoine.
    La chance, ça n’arrivait donc pas qu’aux autres… Antoine frissonna. C’était tellement énorme   !
    Le Portugais, voyant que la partie était sur le point d’être gagnée et avec la fougue d’un avocat désireux de convaincre à tout prix la partie adverse, prit son protégé par les épaules.
    —  Alors, qu’en dites-vous   ? lui asséna-t-il en le secouant avec autorité.
    —  Son jour et son heure seront les miens   ! finit par lâcher Antoine qui, ayant abandonné toute prévention à l’égard de Freitas, jubilait à l’idée d’un contact aussi prometteur.
    Le retard de l’arrivée à Shanghai du consul de France tombait en l’occurrence on ne peut mieux…
    —  Je propose que la rencontre avec M. Niggles ait lieu chez lui, à son domicile. Ainsi, personne n’en saura rien. Qu’en dites-vous, monsieur Vuibert   ? lui chuchota le prêtre, comme s’il lui livrait un secret d’État.
    —  Bonne idée   !
    —  La plus grande discrétion doit être de mise…
    —  Décidément, père Freitas, vous pensez à tout… J’admire votre efficacité   ! Vous m’épatez   ! Oui   ! Vous m’épatez   ! Je suis étonné que ce M. Niggles ne vous ait pas enrôlé   ! s’écria Vuibert en riant.
    Le Portugais, flatté, se rengorgea.
    —  Nous autres, jésuites, tâchons de porter l’efficience au rang des vertus cardinales…
    —  En tout état de cause, je vous revaudrai ça   !
    —  Ma démarche est désintéressée, monsieur Vuibert.
    —  Je n’en ai jamais douté   !
    —  Pour tout vous avouer, vous m’êtes sympathique et j’ai à cœur d’aider les jeunes talents à éclore.
    Le Portugais avait l’air si convaincu qu’il était impossible au Français de douter de sa sincérité.
    —  C’est là une attitude chrétienne   !
    —  En effet…
    —  J’espère que le retard de mes autorités ne compromettra pas nos projets immobiliers… ajouta le Français qui, s’étant ravisé, essayait de se mettre à la place de Freitas.
    Ce dernier semblait ne pas avoir entendu. Son regard perdu vers les rizières qui poudroyaient au loin sous le soleil n’avait plus l’air de suivre la conversation, au point qu’Antoine se demanda s’il l’avait entendu.
    —  Je veux parler de votre fameux terrain… celui que vous vouliez vendre au ministère français des Affaires étrangères   ! insista-t-il.
    Le jésuite sortit de sa drôle de rêverie et, après s’être imperceptiblement ressaisi, répondit avec détachement :
    —  Vu la spéculation immobilière, je trouverai facilement d’autres acheteurs… même si je serais navré pour votre pays qu’il ne profite pas d’une telle occasion…
    Manifestement, le Portugais ne faisait plus de cette vente une priorité.
    C’est alors qu’une fillette crasseuse et famélique vint se planter devant les deux hommes avant de leur tendre sa minuscule main toute ridée par la malnutrition. Elle avait été envoyée par sa mère qu’ils pouvaient apercevoir, postée derrière un arbre avec le reste de sa marmaille. Antoine Vuibert mit la main à la poche mais Diogo de Freitas Branco l’arrêta.
    À cette époque, en Chine, les nez longs étaient bien les seuls à donner l’aumône aux filles que de nombreux parents dans la misère tuaient dès la naissance en les noyant dans les rivières ou en les déposant sur les tas d’ordures.
    Puis, comme on chasse une mouche, le jésuite, rompu à la misère, écarta la petite mendiante.
    —  Si vous lui donnez, dans la seconde, il y en aura dix et vous risquez d’être dépouillé   ! lâcha-t-il d’un air indifférent.
    —  On m’a toujours expliqué qu’un bon chrétien se devait de faire l’aumône   ! laissa échapper Antoine, en regardant s’éloigner l’enfant sur ses jambes

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