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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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la respiration haletante de Barbara, aux cent coups, dont le regard qu’il sentait furieux fixait la table. Son inquiétude renforçait sa colère de voir ainsi débarquer son amant dans son intimité. Mais quant à son mari, que tout cela n’avait pas l’air de troubler outre mesure, il répondit sans hésiter à la question.
    —  Mal. Je dirais même de mal en pis… Je vous l’ai d’ailleurs écrit dans ma lettre.
    —  Les coûts de fabrication de vos instruments sont probablement trop élevés… lâcha le comptable sur un ton qui se voulait sentencieux mais sonnait faux, tandis que Laura le dévisageait à présent d’un air franchement hostile.
    —  Je n’ai aucunement peur de l’affirmer haut et fort, monsieur Stocklett : mes pianos sont les meilleurs de la planète. Tout y est fait à la main   ! Les seuls marteaux me coûtent une vraie petite fortune   !
    —  Calme-toi, Brandon. Tu cries si fort que les voisins vont entendre   ! lui glissa sa femme.
    Mais Brandon n’en avait cure, qui poursuivait sa plaidoirie pro domo avec une emphase teintée de véhémence.
    —  Ils viennent de chez Rothluff de Dusseldorf, assurément le meilleur fabricant au monde. D’ailleurs, si Clearstone & Sons n’était pas le meilleur facteur de pianos, pourquoi serait-il le fournisseur attitré de Taddeus Rudelski   ? Le plus grand soliste russe de notre époque ne jure que par les pianos Clearstone & Sons   !
    —  Le problème n’est pas là, monsieur Clearstone… Vous avez sûrement raison. Vos pianos sont excellents mais telle n’est pas la question. Le vrai sujet, c’est de les écouler, vos pianos   ! murmura Stocklett à qui Barbara venait de tendre le plat de beignets.
    —  Là, je vous suis de A à Z   ! J’ai douze pianos en stock… autant dire sur les bras   ! Un de plus et ça fera treize…
    En même temps qu’il prononçait ce chiffre fatidique, Brandon, qui était très superstitieux, se mit à frissonner.
    Nash Stocklett, sûr d’avoir visé juste, exultait. À court de trésorerie, Brandon Clearstone était strictement incapable de financer son stock. Pris à la gorge, acculé par les créanciers, il se trouvait dans une impasse dont il n’était pas près de sortir. Il suffisait à présent au comptable de Jardine & Matheson de porter l’estocade qu’il avait préparée avec soin et le tour était joué   !
    —  Et si vos pianos, vous les exportiez en Chine, Brandon   ?
    C’était la première fois que Nash, histoire de mettre son rival en confiance, l’appelait ainsi, par son seul prénom.
    —  En… en… en Ch… Chine   ? s’étrangla l’intéressé.
    —  Puisque je vous le dis   ! Parfaitement, en Chine. À Canton, par exemple, vous trouveriez à les vendre en moins d’un mois.
    —  Où se trouve Canton   ?
    —  Au sud. C’est le plus grand port chinois.
    —  Vous dites que je pourrais vendre à Canton la totalité de mes pianos   ?
    —  Bien sûr, Brandon   ! N’oubliez pas que la Chine est vingt à trente fois plus peuplée que l’Angleterre… Si peuplée que personne ne connaît, au juste, le nombre de ses habitants…
    —  Les Chinois jouent du piano   ? Ça, c’est la meilleure… s’exclama Brandon avec une moue enfantine.
    Des plus surpris, il était en même temps tout guilleret : grâce à Nash Stocklett - un comble alors qu’il lui devait de l’argent   ! -, la solution à ses problèmes était peut-être en vue…
    —  Il y a de plus en plus de Chinois très riches et qui ne rêvent que d’une chose : vivre à l’occidentale. Tous mes agents commerciaux m’assurent que ces gens adorent nous singer. Posséder un piano est un signe d’opulence.
    —  C’est un fait   !
    —  Si vous voulez m’en croire, il y a là un vrai filon. Vous devriez y songer, Brandon Clearstone… Le commerce avec la Chine est l’avenir du monde moderne   !
    Nash était satisfait. À en juger par la vitesse avec laquelle le visage de Brandon s’était transformé, il avait atteint son but : le petit facteur de pianos au bord de la banqueroute, en saisissant la perche que Stocklett lui avait tendue comme un noyé s’accroche à une bouée, découvrait à son tour l’évidence : la Chine, ce pays lointain d’où venait le thé dont les Anglais raffolaient, était un eldorado pour fabricant de pianos.
    Il suffisait d’y penser… et d’y aller   !
    —  Qu’en penses-tu, Barbara   ? As-tu entendu ce que vient de dire M.

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