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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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bois… et, pour ne rien vous cacher, je paie mes ouvriers avec trois mois de retard   !
    —  On reparlera de tout ça une autre fois, dans un contexte moins agité… fit Nash en s’éclipsant.
    Rentré chez lui gorge nouée, après avoir traversé la ville à pied, il s’affala dans un fauteuil, ôta ses chaussures et alluma un cigare mais l’âcre fumée ne l’apaisa pas. Il était anéanti. Barbara, c’était sûr, ne reviendrait pas sur sa position. Il songea avec angoisse à toutes ces années perdues, et qui lui paraissaient désormais des siècles, à espérer qu’elle finirait par accepter de devenir sa femme. Tous ses rêves étaient par terre, brisés en mille morceaux. Il s’était trompé de route, car celle qu’il avait empruntée menait à un cul-de-sac… pire que ça, à un mur contre lequel il s’était allègrement jeté.
    Désespéré, il se leva pour aller dans sa chambre, espérant que le sommeil lui permettrait de mettre entre parenthèses la triste réalité dont il prenait acte.
    Vidant ses poches au moment de se déshabiller pour se coucher, il tomba sur la lettre de Brandon.
    L’entêtante odeur de violette dont le papier était imprégné lui monta à nouveau au nez. D’un œil d’abord distrait, il parcourut la missive mais, lorsqu’il arriva au fait, un flot de colère le submergea comme l’eau s’échappe d’un trop-plein.
    Brandon Clearstone lui proposait de prendre une participation dans son usine par augmentation de son capital… Rien que ça   ! C’était un comble   ! Son père le disait souvent : le monde était partagé en deux catégories : les inconscients et imbéciles à qui tout a toujours été donné mais qui en veulent toujours plus, et les lucides et opiniâtres, qui n’ont obtenu ce qu’ils ont qu’à l’arrachée, avec les ongles, et qui parfois se font tondre la laine sur le dos par les premiers   !
    Il est inutile de préciser dans quelle catégorie Nash plaçait Brandon et se plaçait lui-même…
    Cet outrecuidant et minable facteur de pianos ne reculait devant rien. Non seulement il lui avait volé Barbara, la femme de sa vie, mais il lui proposait sans la moindre vergogne de l’entraîner avec lui dans un puits sans fond   !
    Après avoir mis la main sur celle qu’il aimait, voilà que ce vi1 porc essayait de s’en prendre à son argent   !
    Alors, Nash Stocklett, écumant de rage et la haine au cœur, chiffonna la missive et la lança de toutes ses forces par la fenêtre, avant de la regarder, les yeux mouillés de larmes, se perdre dans la pénombre de la nuit londonienne.

 
    6
     
    Pékin, 13 octobre 1845
     
    De sa courte existence, Jasmin Éthéré n’avait jamais vu de pièce à coucher aussi vaste et aussi somptueusement aménagée.
    Il est vrai que l’impressionnante, coruscante même, chambre du prince Tang aurait pu faire l’objet de tous les superlatifs tant elle paraissait s’écraser sous la splendeur des étoffes lourdes, matelassées, brodées au fil d’argent et d’or, des moulures dorées qui avaient pour modèle celles qui décoraient les appartements du Roi-Soleil à Versailles et de ses miroirs biseautés en cristal de Bohême prélevés par des eunuques sur les cadeaux d’un ambassadeur austro-hongrois que le Fils du Ciel n’avait pas daigné recevoir parce que ses lettres de créance comportaient des fautes d’orthographe.
    La chambre donnait sur l’ultime cour du palais qui avait été attribué au prince par Daoguang, ainsi qu’à deux autres dignitaires d’origine Han, qui avaient, comme lui, accepté de prêter le serment d’allégeance à l’empereur. Située à une dizaine de hutong , ces îlots de maisons basses T , de la Cité Pourpre Interdite, la luxueuse demeure où résidait le Premier ministre du temps des Ming ne comprenait pas moins de trois pavillons résidentiels qui disposaient chacun d’une dizaine de pièces ainsi que d’une immense salle de réception où l’on pouvait réunir facilement plus de deux cents convives.
    Il faut dire que les Han de noble extraction qui cautionnaient le pouvoir mandchou en travaillant pour lui étaient toujours traités avec largesse. Ils touchaient un bon salaire, étaient logés par la Cour à l’abri des regards du peuple, dans des lieux aussi secrets que luxueusement meublés, édifiés au milieu de grands jardins entourés de murailles infranchissables. Tang et ses congénères bénéficiaient également des cadeaux occidentaux que

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