La guerre des rats(1999)
problème. Certes, j’ai promis de ramener Mond avec moi, mais que vaut une promesse faite à un traître avoué, à un incapable qui a failli me faire tuer ce matin ? Nous verrons. Nous parlerons, Mond et moi, quand Zaïtsev sera mort.
Tandis que l’esprit de Thorvald faisait défiler des images de sa propre célébrité, son corps et ses yeux infatigables demeuraient à l’affût. Quand le mouvement se produisit, il ne lui parut pas soudain, même après cette longue attente. Voilà, pensa-t-il, Zaïtsev joue son coup. Ou commet son erreur, peu importe.
Une forme blanche apparut au-dessus du mur, trop petite pour que Thorvald discerne ce que c’était. À la façon dont elle bougeait, ce devait être une partie d’un corps, une main dans une moufle, peut-être, le côté d’une épaule, ou même une tête coiffée d’un capuchon blanc. La cible se détachait sur le paysage pommelé. Thorvald déplaça son réticule d’un millimètre vers la gauche. Attends, lui souffla une voix, attends de savoir sur quoi tu tires.
Au diable l’attente, au diable Zaïtsev, répondit-il à la voix. Il ne me voit pas, je peux faire ce qui me chante. Je suis invisible. Et en colère. J’ai envie de tirer, c’est ce que je fais le mieux. Montrons au Lapin un peu plus de ce que je sais faire.
Zaïtsev est le genre de tireur qui attend. Moi, je fais feu.
La cible blanche ne se trouvait pas au-dessus du mur depuis plus de trois secondes quand le réticule fut parfaitement centré et immobile.
25
— Danilov ne mourra pas.
Zaïtsev sursauta, étonné une fois de plus par la capacité de Koulikov à se déplacer sans bruit. Il n’avait pas entendu le petit tireur revenir. Les mains de Koulikov étaient tachées du sang séché du commissaire.
Danilov était conscient quand les deux hommes étaient arrivés à l’hôpital de campagne installé dans les falaises dominant la Volga. Koulikov était resté juste le temps qu’une infirmière examine la blessure. Elle avait pressé la plaie avec un pansement et une spatule métallique, provoquant la fureur de Danilov. Apparemment, il avait de la méchanceté en réserve. Koulikov lui avait souhaité bonne chance et s’était hâté de regagner le parc. Il était resté parti moins de trois heures.
En reprenant sa place près du Lièvre, il lui posa une question qu’il avait ruminée tandis qu’il se frayait un chemin le long du fleuve et parmi les ruines :
— Si te tuer, toi, Vasha, c’est la seule mission de Thorvald, pourquoi il a gaspillé une balle sur une cible dont n’importe quel tireur expérimenté aurait su que c’était pas un autre tireur d’élite ? Pourquoi risquer de révéler sa position pour abattre un gros type incapable de garder la tête baissée ?
Zaïtsev répondit aussitôt :
— Parce que le Professeur est certain qu’on n’arrivera pas à le trouver.
— Et il restera là où il est jusqu’à ce qu’on l’en tire par les pieds, enchaîna Koulikov en souriant.
Zaïtsev porta un doigt à son front.
— J’ai réfléchi moi aussi pendant que tu étais parti, Nikolaï. Regarde.
Il montra une planche longue d’un mètre, défit l’une de ses moufles et l’y attacha.
— Je vais la faire dépasser du mur. S’il tire dessus, on aura un trou dans le bois plus facile à examiner que la saloperie qu’il a faite à l’épaule de Danilov.
— Il aime étaler sa science, le Professeur, approuva Koulikov.
— Exactement. Et on pourrait peut-être l’amener à nous montrer où il se planque.
Zaïtsev leva les yeux vers le ciel. Le soleil était haut ; Thorvald ne risquait pas de se faire repérer par un reflet de sa lunette. Il mordrait peut-être à l’appât.
— Prêt ? fit le Lièvre, posant la planche sur ses cuisses. On fait un petit bonjour au Professeur…
Il leva la planche, fit dépasser le gant du mur et le déplaça vers la droite. Salut, colonel Thorvald. Il compta à mi-voix :
— Un, deux…
La planche tressauta ; une balle perça la paume blanche de la moufle. Les vibrations du bois firent mal aux mains du Sibérien.
Sans lâcher la planche, il pressa l’index contre le mur pour marquer l’endroit où elle se trouvait, puis la laissa tomber et traça un trait sur le mur avec un morceau de savon.
De la bourre de coton et des échardes se mêlaient dans le trou au centre du gant. La balle avait percé dans le bois un orifice gros comme un doigt.
Zaïtsev détacha la moufle, l’enfila de nouveau sur sa
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