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La guerre des rats(1999)

La guerre des rats(1999)

Titel: La guerre des rats(1999) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Robbins
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dessous. Dessous !
    La tôle. Où est-elle ? Là. Posée sur une pile de briques. Presque à plat sur le sol. Élément banal dans un paysage de décombres. Zaïtsev avait vu cette tôle tant de fois qu’il ne la remarquait plus. Mais elle était là, dans la zone de possibilité délimitée par le trou de la planche. Le parc devenait presque invisible dans la lumière mourante de la fusée. Oui, la cachette du Professeur pourrait se trouver sous cette feuille de métal, derrière ces quelques briques. Tu creuses une tranchée dessous. Tu t’y glisses avant l’aube. Hors de vue, hors d’atteinte. Tu parles à ton assistant, posté dix mètres derrière. L’assistant reste caché derrière le mur en attendant de montrer ce foutu casque. Toi, tu passes la journée dans l’ombre sous un toit de métal. Étendu dans l’obscurité, tu tires sans craindre que le soleil ne se reflète sur ta lunette. Ta cachette est fermée sur ses quatre côtés, la détonation du fusil ne peut s’échapper du trou pour parcourir deux cent cinquante mètres jusqu’à l’autre mur. Pour repérer l’éclair de ton coup de feu, il faudrait que ton ennemi soit juste en face de ton fusil au moment où tu appuies sur la détente : pas précisément le bon endroit où se trouver.
    Parfait. Si parfait que le Professeur viole la première règle de survie du tireur d’élite : faire feu et décamper. Tirer et se tirer. Il est resté dans son trou, prenant d’abord pour cible le personnel médical, puis Shaïkine et Morozov, et enfin Danilov, ce matin. Tant de balles tirées d’un même endroit. Il a confiance en lui. Oui. Jusqu’au moment où on le traînera par les pieds hors de son trou.
    Zaïtsev s’écarta de la planche, se redressa pour regarder pardessus le mur la fusée toucher le sol. Minuscule volcan, elle grésilla quelques secondes puis s’éteignit. Le parc redevint obscur.
    — Il est sous la tôle, annonça le Lièvre. Il a creusé un trou dessous.
    Koulikov resta silencieux. C’était sa façon d’approuver.
    — Il y reviendra demain, ajouta Zaïtsev.
    — Si tu veux, je traverse le parc pour aller jeter un coup d’œil. Vérifier que le nid est bien sous la tôle. Qu’est-ce que t’en
penses ?
    — Non, Nikolaï. Ça vaut pas le coup de courir un tel risque. Je pense qu’il est parti se coucher, mais va savoir. Il a peut-être laissé une sentinelle, au cas où on tenterait de venir voir. On attend demain. Il sera là, tu peux me croire.
    Les deux hommes prirent leurs fusils, leurs périscopes et leurs sacs. En se relevant, Zaïtsev sentit le poids de son matériel et la morsure des bandoulières. Il fut envahi par un sentiment de liberté comme si, redevenu enfant, il s’apprêtait à partir à la chasse. Thorvald l’avait enchaîné à cet endroit pendant trois jours. Il se libérait.
    Il marchait, Koulikov dans son sillage. On n’entendait dans la nuit que le crissement de leurs bottes dans le gravier. Zaïtsev essaya de dresser des plans pour la confrontation du lendemain avec le Professeur, mais la présence de Koulikov derrière lui faisait fuir sa concentration, comme une volée de cailles s’élevant d’un buisson. Il fit halte.
    — Nikolaï, s’il te plaît, attends ici un moment. J’ai besoin d’être seul pour réfléchir.
    Koulikov s’assit sur son sac.
    Zaïtsev fit demi-tour, reconnaissant à son ami de sa compréhension. Il s’approcha du mur, écouta le rythme lent de ses pas sur la terre gelée. Il contempla le parc pardessus le mur, ne vit que des formes sombres à la lueur des étoiles. Dans la taïga, c’était la lumière qu’il préférait. Il croyait autrefois qu’elles étaient de petites déchirures dans le ciel par lesquelles l’éclat de l’univers, au-delà de la Lune et du Soleil, parvenait à la Terre. Sa mère lui avait raconté qu’elles étaient les dix millions d’yeux de Dieu qui les regardaient. Dieu. Quel rôle II a joué à Stalingrad ? s’interrogea-t-il.
    Les éclairs lointains des explosions dans le secteur des usines ne lui étaient d’aucun secours, là, près du parc. Il s’appuya au mur, à une trentaine de mètres de l’endroit où Koulikov était assis, se laissa glisser par terre, croisa les jambes et ôta ses gants. Il rabattit son capuchon blanc pour enlever son casque, défit les deux premiers boutons de sa parka. Le vent, couverture de froid, le frôla. Laisse entrer la nuit, pensa-t-il, inspirant profondément pour emplir ses poumons.

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