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La guerre des rats(1999)

La guerre des rats(1999)

Titel: La guerre des rats(1999) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Robbins
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de l’autre côté. Je retourne là-bas plus tard, quand la guerre est finie. Mais d’abord, je retourne au régiment, je dis au capitaine que je veux me battre pour Sakaïka. J’ai son fusil. Capitaine dit : Non, Ataï, je te donne nouveaux chevals, tu es homme trop important pour balles seulement. Tu es homme pour balles et bortsch…
    Tchebibouline se mit debout pour conclure :
    — Alors, je rencontre Danilov. Le petit gros. Communiste, hein ? Il me demande m’occuper de vous, les tireurs d’élite, très important. Vous êtes les meilleurs, il me dit. Moi aussi, je suis le meilleur, je m’occupe de vous, dit-il, se tournant vers Tchekov. Et tu m’appelles Bourricot. Je suis pas Bourricot. Je suis Ataï Tchebibouline, père du héros Sakaïka.
    Il se tut. Après un silence, il alla au bidon, entreprit de servir la soupe dans les gamelles. Tchekov prit la bouteille à Zaïtsev.
    — Tchebibouline ? fit-il, tendant la vodka au vieil homme agenouillé.
    Le Bachkir secoua la tête.
    — Non. C’est péché de boire l’alcool. Les musulmans font pas ça.
    Tchekov posa la bouteille sur le sol, présenta sa gamelle vide, laissa le vieil homme la remplir de nouveau et la lui offrit.
    — Tiens.
    — Non, je prends pas nourriture à vous. Vous soldats.
    Tchekov insista :
    — Prends. Et tu es Ataï Tchebibouline, père du héros Sakaïka. Prends.
    Le Bachkir regarda le tireur dans les yeux. Tania comprit qu’Ataï avait le courage et la résignation de l’âge. À présent que son fils était mort, il n’avait plus rien à perdre. Plus rien, excepté les jours composant une vie qui a perdu son centre de gravité. Tchekov, lui, avait dans les yeux l’intrépidité de la jeunesse, de celui qui n’a pas encore vu assez de la vie pour savoir ce qu’il a à perdre. Elle comprenait les cœurs des deux hommes, elle avait l’impression de les sentir battre en elle. Elle imagina que les deux hommes agenouillés face à face au centre de la casemate étaient les deux côtés d’un miroir magique. Mes deux côtés, pensa-t-elle. Je veux vivre, je veux mourir. Elle ferma les yeux.
    — Non, entendit-elle Tchebibouline répondre. Je prends pas ton manger. Tu me dis je suis pas Bourricot.
    — Tu n’es pas Bourricot, Ataï, intervint Zaïtsev. Je vais faire de toi un lièvre. Tu es rapide, courageux, et tu es un ami.
    Tania ouvrit les yeux, sourit à Zaïtsev, qui ne la regardait pas.
    — Oui ? demanda Tchebibouline à Tchekov.
    Tchekov haussa les épaules.
    — Oui.
    — Alors, je te donne ça.
    Le Bachkir tira de sa capote une autre bouteille qu’il posa sur le sol.
    Koulikov claqua des doigts, pressa un index contre sa gorge, signe russe pour la soif de vodka. Tchekov lui passa la bouteille.
    Tchebibouline souleva le bidon de soupe vide, le chargea sur son dos et releva la couverture pour sortir.
    — Bonne nuit, lièvre, lui lança Zaïtsev. Fais bonne route.
    Maintenant la couverture de la main, le Bachkir se tourna vers le sous-officier.
    — Avec tout cet alcool dans tes lièvres, ça va bien. Je reste Bourricot. Merchi.
    Le capitaine Igor Danilov souleva la couverture en se glissant de côté dans l’abri et la laissa retomber derrière lui. Les mains dans les poches, il secoua les épaules pour chasser le froid de la nuit. Tania fut étonnée de le voir remuer son corps aussi vite. Comme un cheval ou une danseuse tatare. Elle sourit en imaginant un Danilov replet et poilu au visage voilé.
    — Courrier, annonça le commissaire. Zaïtsev a une lettre.
    Il tenait à bout de bras deux enveloppes froissées, en fit choir une sur les genoux du Lièvre. Il était d’usage dans l’Armée rouge que les lettres soient lues à voix haute pour que les soldats assemblés puissent avoir leur part des sentiments en provenance du pays. Le lecteur était autorisé à omettre les mauvaises nouvelles et les mots délicats, mais devait lire l’essentiel. Bien que le courrier fût rare sur le front, la femme de Shaïkine avait réussi à lui faire parvenir plusieurs lettres. Elle et ses enfants avaient été déplacés de leur maison de Géorgie à Novossibirsk, en Sibérie, dans le cadre du transfert industriel vers l’est ordonné par Staline pour éviter que les usines soviétiques ne tombent aux mains des Allemands. Cette femme était devenue la correspondante préférée de Tania. Elle parlait à son mari — et, sans le savoir, à toute l’unité — de son jardin, de la qualité médiocre du tissu disponible pour

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