Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La guerre des rats(1999)

La guerre des rats(1999)

Titel: La guerre des rats(1999) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Robbins
Vom Netzwerk:
Mange la soupe avant qu’elle refroidisse, Anatoli.
    Tchekov lui passa la bouteille, alla soulever le couvercle du bidon, s’agenouilla pour humer la fumée qui s’en échappait.
    — Ah ! le bourricot est venu vite, ce soir ! lança-t-il au dos du Bachkir. Soupe aux pommes de terre.
    — Ça suffit, Anatoli, intervint Shaïkine.
    Tania lui apporta son soutien :
    — Oui, arrête.
    Tchekov releva des yeux déjà rougis par la vodka.
    — Qu’est-ce qu’y a ? Vous vous mettez avec le bourricot ?
    Avant que Tania puisse répondre, Tchebibouline se tourna vers Tchekov.
    — Bourricot ? Pourquoi tu m’appelles « Bourricot » ?
    Les grosses mains du Bachkir s’agitaient le long de ses flancs. Il soupira sous sa grosse moustache tombante. Son menton, hérissé d’une barbe poivre et sel de deux jours, remuait comme s’il ruminait sa colère et tentait de l’avaler.
    Tchekov regarda Tania et Shaïkine ; Koulikov marmonna, replongea le nez dans son carnet. Dans son coin, Zaïtsev faisait courir ses doigts sur la bouteille de vodka.
    — Allez, quoi, Taniouchka, Ilyouchka, tout ce que fait ce vieux, c’est nous apporter à bouffer. C’est pas un soldat. Il se bat pas. Il fait la navette avec son bidon. Un bourricot, quoi.
    Tania posa une main sur la large épaule de Tchebibouline.
    — Ataï, parle-moi encore de Sakaïka. Je veux que les autres connaissent son histoire.
    Le vieux colosse fixa le sol en mâchonnant sa moustache. Tania regarda Tchekov verser une louche de soupe blanche dans une gamelle bosselée.
    — Il ne s’appelle pas Bourricot, Anatoli. Son nom est Ataï Tchebibouline. Et si tu n’étais pas un ivrogne, tu aurais un peu plus de respect pour lui. Le fils de cet homme…
    Tchebibouline leva ses grosses mains.
    — Non, dit-il à la jeune femme. Ça va bien, je raconte.
    Tania se laissa glisser à côté de Shaïkine ; Tchekov s’écarta, tendit sa main ouverte pour signifier au vieux Bachkir qu’il lui laissait la scène et s’inclina en une courbette sarcastique.
    Tchebibouline s’assit en tailleur au centre de l’abri, le dos tourné à Tchekov.
    — Y a trois mois, j’emmène Sakaïka, il est mon fils, prendre le train à Tchichma. Il est soldat. Je le conduis dans charrette, longue route. Au train, je vois chevals de l’armée manger du foin, boire de l’eau. Je pense, bon, je donne aussi à mon cheval pour rien. Je l’attache avec les autres. Le train est plein, beaucoup soldats. Je perds Sakaïka. Je fais tous les wagons, j’appelle mon fils. Pas de réponse. Perdu… (Le vieil homme plissa les yeux, gratta ses cheveux gris emmêlés.) Ça va bien, j’ai déjà dit au revoir, je pense. Je retourne au cheval, plus de cheval. L’armée a mis dans le train avec les autres. Je peux pas rentrer à la maison, plus de cheval pour tirer la charrette. J’ai besoin aussi pour la ferme. Je crie : L’armée a volé mon cheval ! Je crie le nom de mon cheval, Prinza, et je l’entends répondre. Brrrr…
    « Je monte dans le train, je trouve mon cheval avec les chevals de l’armée. Je dis à soldat : Hé, il est mon cheval ! Le soldat secoue la tête, il dit qu’il peut pas aider. Un autre soldat, encore un autre, personne peut pas aider. Le train part, j’essaie de sauter. Un soldat me retient. Où tu vas, vieil homme ? Je dis : Je saute, tu gardes mon cheval, je rentre à la maison à pied. Il dit : On a besoin de toi dans l’armée, tous les Soviétiques se battent. Je demande où est Sakaïka, ce soldat il m’aide à trouver. Je parle avec Sakaïka, on est d’accord, on va se battre, on va tous les deux père et fils. L’armée me rend mon cheval, avec un autre cheval en plus et une nouvelle charrette. Moi et Sakaïka on va dans même régiment. 39 e de la Garde, envoyés à Stalingrad. Beaucoup se battre, beaucoup de morts. Jour et nuit, je vais au fleuve porter les morts, toujours je rapporte balles et bortsch…
    Tchebibouline sourit sous sa moustache en prononçant sa phrase rituelle, puis redevint grave et baissa la tête pour raconter la fin de l’histoire :
    — Deux semaines après on est arrivés à Stalingrad, je trouve Sakaïka avec une balle dans la poitrine. Il a été blessé en se battant pour l’embarcadère. Je le mets dans la charrette, je roule comme un fou vers l’hôpital. Une grosse bombe tue mes chevals… (Le vieux Bachkir leva les yeux vers Zaïtsev.) Je tire charrette moi-même mais trop lent. Sakaïka mort. Je le porte au bateau, je l’enterre

Weitere Kostenlose Bücher