La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
félicité pour ses bonnes notes et lui avait proposé d’emblée une place de violon alto dans l’orchestre de l’Institut.
– Mais alors, quels sont tes projets ?
– Je vais me représenter à l’automne, que veux-tu que je fasse d’autre ?
Adolf rouvrit son livre et dit :
– Joue, Gustl, joue. Je t’assure, ça ne me dérange plus.
Encore sous le coup de la surprise, August commit quelques fausses notes avant de retrouver son calme, tandis que son ami se forçait à lire.
Certaines perversions sont en effet si éloignées de la normale que nous ne pouvons faire autrement que les déclarer pathologiques. Particulièrement celles où l’on voit la pulsion sexuelle surmonter certaines résistances (pudeur, dégoût, horreur, douleur) et accomplir des actes extraordinaires (lécher des excréments, violer des cadavres).
À ce stade du récit, Adolf marqua une pause. Ce professeur était fou à lier ! Ses recherches lui avaient complètement fêlé le cerveau ? Sinon comment expliquer de pareils écrits ? Il referma le livre et le jeta sous son lit, jurant de ne plus jamais l’ouvrir.
Lorsque 15 heures sonnèrent aux clochers des églises viennoises, les deux jeunes gens interrompirent leur activité et se préparèrent : ce soir la Hofoper donnait le premier volet de la tétralogie du Ring. August cira ses bottines, Adolf refit le pli de son meilleur pantalon avec une casserole remplie d’eau bouillante en guise de fer à repasser.
À 15 h 35, une trentaine de personnes piétinaient déjà devant les guichets de la Hofoper (les portes ouvraient à 20 heures). Adolf et August se placèrent derrière les derniers arrivés ; les premiers étaient là depuis 9 heures du matin.
Il plut à deux reprises, mais rares furent ceux qui abandonnèrent leur place pour se mettre à l’abri. N’ayant emporté ni manteau ni chapeau, afin de ne pas payer le vestiaire obligatoire, Adolf et August furent trempés en quelques instants.
– Si on mangeait ? proposa August en dénouant le mouchoir contenant les sandwichs au pâté qu’il avait confectionnés avant de partir.
Comme à l’accoutumée, Adolf se fit prier.
– Bon, d’accord, je vais goûter au pâté de ta mère, mais c’est bien pour te faire plaisir, dit-il en avalant les tartines à la vitesse d’une pierre tombant dans un trou.
Ils n’étaient pas les seuls à organiser leur attente : certains se restauraient, d’autres lisaient, bavardaient, sifflotaient en battant la mesure, ou encore attendaient en silence, les yeux rivés sur les portes. Aujourd’hui, une tension certaine circulait dans la file. La représentation de ce soir ( L’Or du Rhin ) était la première sans Gustav Mahler à la mise en scène.
Ce dernier, exténué par des années d’attaques incessantes de la part des antisémites viennois, avait fini par accepter la proposition du Metropolitan Opera de New York.
Dans l’ Alldeutsches Tagblatt , Adolf avait lu que le nouveau directeur de la Hofoper, Felix von Weingartner, avait démahlerisé de fond en comble le théâtre impérial et royal, en commençant par congédier tous les chanteurs préférés de Mahler, veillant à ce qu’aucun Juif ne soit engagé derrière.
La question qui agitait la file était la suivante : Felix von Weingartner avait-il osé toucher à la mise en scène de Mahler ?
À 20 heures, les doubles portes s’ouvrirent et ce fut l’irrésistible poussée vers le parterre. À l’instar du Stadtoper de Linz, les meilleures places se trouvaient sous la loge impériale et offraient une audition et une vue proches de la perfection. Fidèle à lui-même (Qui veut la fin se donne les moyens), Adolf détala comme un dératé, bousculant qui ne s’écartait pas assez vite, se moquant des protestations, entraînant dans son sillage un Gustl rouge pivoine de confusion. On pouvait se hâter dans la Hofoper mais jamais courir : cela ne se faisait pas.
Adolf arriva le premier sous la loge et aussitôt marqua son territoire en s’appuyant contre la belle colonnade de droite, imité par August. Insouciant aux regards désapprobateurs, Adolf éleva la voix.
– Tu vois, Gustl, ils étaient vingt-neuf devant nous, et pas un n’a eu le courage de courir pour nous dépasser. Ce ne sont pas de vrais mélomanes, aussi, n’ont-ils que ce qu’ils méritent. Moi, pour Richard, je suis capable de tout !
Comme chaque fois qu’ils étaient en public, Adolf accentuait son accent
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