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La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

Titel: La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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après, il louait dans un Klaviersalon de la Liniengasse un piano à queue au son passable.
    Quand Adolf était rentré ce soir-là, un très grand piano mangeait un tiers de la surface de la pièce.
    – Pourquoi à queue ? Tu aurais pu en louer un droit, on aurait eu plus de place.
    – Comment veux-tu que je devienne chef d’orchestre sans un piano à queue !
    – Bien sûr, évidemment, j’aurais dû m’en douter. Dans ce cas…
    ***
    Adolf s’assit sur son lit en se grattant la nuque, puis la taille, puis les chevilles ; et pourtant il savait que cela ne faisait qu’exacerber ses démangeaisons au lieu de les apaiser. Après, animé par un désir de vengeance tout à fait justifié, il inspecta minutieusement chaque centimètre carré de sa chemise de nuit, en commençant par les coutures, un endroit que semblaient privilégier ces petits monstres suceurs de sang qu’étaient les punaises de lit. Il en débusqua quatre, gorgées de son sang, et, sans état d’âme, il les enfila sur l’aiguille à coudre prêtée par Frau Zakreys : les écraser entre deux ongles aurait été une fin trop miséricordieuse, tandis que, embrochées par le milieu, elles gigotaient des heures entières. Il vérifia son oreiller, puis son caleçon en laine ; il en dénicha deux qui s’étaient dissimulées dans l’ourlet et qui rejoignirent les autres sur l’aiguille. Un matin, il en avait embroché onze, toutes remplacées le lendemain, ce qui était particulièrement décourageant. Qu’attendait la Science pour inventer un poison qui exterminerait ces
sournois parasites de la surface de la Terre ? Comme à son habitude, il s’était renseigné sur le sujet mais il n’avait rien trouvé qui pût l’aider à contre-attaquer, si ce n’était que l’eau savonneuse pouvait avantageusement remplacer le pétrole dans les boîtes : désormais, l’appartement empestait moins, mais les punaises continuaient de prospérer… Comment s’y prenaient-elles pour l’atteindre chaque nuit dès lors que les quatre pieds de son lit leur étaient inaccessibles ? Par où passaient-elles ? Grimpaient-elles au plafond et se laissaient-elles tomber sur le lit ?
    Il fit sa toilette dans la cuisine et vit que Gustl lui avait laissé le broc à eau à demi plein, une délicate attention afin qu’il n’eût pas à sortir dans le couloir pour le remplir à la Bassena . Une fois débarbouillé à la façon des félidés, il se rasa puis lissa ses moustaches en épées avec son index mouillé ; désormais, elles étaient suffisamment fournies pour dissimuler la cicatrice de Steyr.
    Il souleva son matelas et prit son pantalon qui s’était repassé durant la nuit. Avant de sortir, il fit son lit et rangea les plans et croquis de la Hofbibliothek dressés durant la nuit. L’actuelle bibliothèque se vantait d’offrir à ses abonnés quinze mille volumes, tandis que la sienne était conçue pour en posséder un million pile, uniquement en langue allemande. Il avait également prévu une imprimerie moderne dans les caves, ainsi qu’un atelier de reliure et un atelier de restauration.
    Coiffé de son chapeau, canne dans la main droite, livre dans la poche gauche ( Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie ), calepin et crayon dans la poche droite, Adolf traversa la cour intérieure et découvrit un ciel maussade aux nuages frôlant les cheminées.
    Il acheta au Delikatessenladen de la Wallegasse un quart de lait, une portion de pâté de porc, dix tranches de pain margarinées et, ainsi lesté, il marcha d’un bon pas jusqu’à Schönbrunn où il avait ses habitudes.
    Avant de s’installer sur le banc qui offrait la meilleure vue panoramique sur le Tiroler Garten et la Gloriette, il escamota la pancarte FRISCH GESTRICHEN (Attention peinture fraîche) qui le mettait à l’abri des importuns. La ruse était grossière mais efficace car il n’était pas dans l’esprit local d’aller à l’encontre d’une interdiction écrite.
    Très royal au bar, il mangea lentement, faisant durer chaque bouchée, les accompagnant d’une gorgée de lait, lançant des regards soupçonneux vers les nuages gris si proches. La dernière tartine avalée, il ouvrit le curieux ouvrage découvert l’avant-veille au rayon scientifique de la librairie Schütz : Trois essais sur la théorie de la sexualité du professeur Sigmund Freud. Le livre se divisait en trois chapitres intrigants : « Les aberrations sexuelles », La sexualité infantile »,

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