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La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

Titel: La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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scientifiquement médical ! En plus il est presque neuf et je n’ai lu que la première partie.
    Deux semaines plus tard, il échangeait ses cravates, ses pochettes, ses gants de chevreau, son chapeau gris, son beau costume, sa meilleure paire de bottines et pour finir son élégant manteau d’hiver contre la modique somme de neuf  Kronen . Désormais, il lui restait les vêtements qu’il portait, plus son peigne et son rasoir. Il avait aussi son encombrant carton aux quarante-quatre dessins, et sa vieille sacoche contenant ce qu’il avait de plus précieux au monde (ses innovations architecturales, ses récentes tentatives littéraires, l’opéra inachevé Wieland le forgeron , conçu avec l’assistance technique d’August, les plans de la villa Gustl prévue pour un cadeau d’anniversaire qui n’aurait jamais lieu, les croquis réalisés sur le lit de mort de sa mère, la photo encadrée de la défunte, les dessins de Richard, Arthur, Winnetou et Bismarck), Adolf apporta sa malle au Dorotheum où on lui en donna six pièces en argent de une Krone , soit six semaines de loyer.
    ***
    Le samedi 18 septembre, à 5 heures du matin, se déplaçant uniquement sur la pointe des pieds, Adolf quitta la Sechshauserstrasse en catimini et aussi à la cloche de bois. La gorge serrée, le ventre aussi vide que ses poches, il se retrouva sur le trottoir obscur sans la moindre idée de
l’endroit où il dormirait ce soir… Allait-il seulement pouvoir dormir ?
    Il prit machinalement la direction de Schönbrunn où se trouvait son banc-bureau, ultime refuge qu’il pouvait encore dire sien. Il marcha d’un pas vif pour combattre le froid humide, regrettant amèrement son pardessus, comprenant trop tard la faute tactique qu’il avait commise (C’était en août, il faisait très chaud, et puis j’avais tant besoin de cet argent).
    Le parc ouvrant ses grilles à 9 heures, il attendit dans la Maxingstrasse, à la hauteur de la Ménagerie, piétinant le trottoir pour se réchauffer. L’attente prédisposait à la rumination ; il n’en revenait pas d’être tombé dans un tel guet-apens existentiel… Qui l’y avait poussé, et surtout qui allait l’en tirer ? En outre, une sensation de faim grandissante s’emparait de lui, perturbant son humeur. Un jour gris se levait quand le lion de la Ménagerie toute proche rugit à trois reprises.
    Son dernier repas datait de la veille après-midi, chez Frieda de Hambourg. Il lui restait pour toute fortune une pièce de dix  Heller en nickel, deux pièces de deux  Heller et une de un  Heller en bronze. Il avait commandé une tasse de café au lait (six  Heller ) et un gros Schaumrolle (huit  Heller ). Après avoir payé, il avait demandé à la patronne de lui rendre un service.
    – Je dois partir quelques jours à Linz, Frau Frieda, auriez-vous l’amabilité de me garder quelque temps mon carton à dessins… Regardez-les ce soir à tête reposée et choisissez celui qui vous plaît le plus, je vous l’offre, dit-il en baissant modestement les yeux.
    Revenu sur le trottoir, il avait sorti de sa poche l’unique pièce de un  Heller qui lui restait et, profitant qu’il passait sur le pont Lobkowitz, il l’avait expédiée d’une pichenette dans les eaux sales du canal.
    ***
    Le froid et les regards suspects des lève-tôt du quartier incitèrent Adolf à renoncer à son banc-bureau. Après tout, que pourrait-il y faire ? Il n’avait plus de livre à lire, il n’avait plus de crayons pour ses notes, ou pour ses dessins ! Mais avant tout, il avait faim… et cette faim se révélait obsessionnelle, exclusive, monopolisant son attention. Autrement formulé, il ne pensait qu’à ça.
    L’esprit chahuté par sa fringale, Adolf dériva dans la capitale, enfilant les rues les unes après les autres, louchant sur les étalages, défaillant à la moindre odeur de friture, attendant que quelque chose arrive.
    Il marchait dans une belle rue qui avait pour nom l’Alleegasse, quand il se souvint qu’il s’agissait de la rue du palais Wittgenstein. À la pensée que Herr Ludwig pût le reconnaître, Adolf baissa la tête et traversa la chaussée au pas de course.
    Son errance le conduisit au Prater. Il s’engagea dans la Hauptallee bordée de nombreuses Heurigen fleuries d’où s’échappaient les airs à la mode. On était samedi et, en dépit du fond de l’air frais, les terrasses ne désemplissaient pas. Tout le monde autour de lui semblait rire, boire,

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