La lance de Saint Georges
aux
arbalétriers de la garnison d’envoyer leurs traits dans les flancs des
assaillants. Ce serait un carnage, se dit Thomas, bien pire que ce qui s’était
passé chaque fois que le duc de Northampton avait donné l’assaut au mur sud de
La Roche-Derrien.
De plus en plus d’archers s’avançaient sur le terrain en
friche pour contempler la ville. La plupart se trouvaient à portée d’arbalète,
mais les Français continuaient à les ignorer. Les défenseurs se mirent à
retirer les bannières qui pendaient aux créneaux. Thomas chercha les trois
faucons de messire Guillaume mais ne les vit pas. Les bannières étaient
décorées de croix et de figures de saints. L’une d’elles arborait les clés du
paradis, une autre le lion de saint Marc, une troisième un ange ailé qui
pourfendait les troupes anglaises avec une épée de flamme. Celle-là disparut.
— Que diable sont-ils en train de faire, ces
cornards ? demanda un archer.
— Les cornards s’enfuient ! dit un autre.
Il observait le pont de pierre qui conduisait de la vieille
ville à l’île Saint-Jean. Le pont était encombré de soldats, certains à cheval,
la plupart à pied, et tous sortaient de la ville fortifiée pour aller vers les
grandes maisons, les églises et les jardins de l’île. Thomas fit quelques pas
pour mieux voir. Il vit apparaître des arbalétriers et des hommes d’armes entre
les maisons.
— Ils s’apprêtent à défendre l’île, dit-il à la
cantonade.
À présent, on poussait des charrettes sur le pont. Il
aperçut des femmes et des enfants que des soldats poussaient à aller plus vite.
D’autres défenseurs traversèrent le pont et d’autres
bannières disparurent des murs, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que
quelques-unes. Les drapeaux des grands seigneurs continuaient à flotter en haut
des tours du château et des bannières pieuses pendaient encore aux remparts,
mais les murs étaient presque nus et un millier d’archers du prince de Galles
les regardaient. Ils auraient dû être en train de couper du bois, de construire
des abris ou de creuser des latrines, mais ils commençaient à soupçonner que
les Français n’avaient pas l’intention de défendre à la fois la ville et l’île
mais seulement l’île. Ce qui signifiait que la cité était abandonnée. Cela
parut tellement improbable que personne n’osa même en parler. Ils se
contentaient de regarder les habitants et les défenseurs se presser sur le pont
de pierre. Et puis, alors que l’on retirait la dernière bannière des remparts,
quelqu’un s’avança vers la porte la plus proche.
Personne n’avait donné d’ordre. Ni prince, ni comte, ni
sergent, ni chevalier n’avait commandé aux archers d’avancer. Ils avaient
simplement décidé par eux-mêmes de s’approcher de la ville. La plupart
portaient la livrée vert et blanc du prince, mais un bon nombre, comme Thomas,
avaient les étoiles et les lions du comte de Northampton. Thomas s’attendait à
ce que les arbalétriers apparaissent et accueillent l’avancée étirée des
archers par une terrible volée de carreaux. Mais les créneaux demeurèrent vides
et cela enhardit les archers qui voyaient d’ailleurs les oiseaux se poser sur
les merlons, signe certain que les défenseurs avaient abandonné les murs. Les
hommes munis de haches coururent à la porte et se mirent à l’attaquer. Aucun
trait d’arbalète ne partit des bastions qui la flanquaient. La grande cité
fortifiée de Guillaume le Conquérant avait été laissée sans défense.
Les assaillants brisèrent les garnitures de fer, levèrent la
barre et, ouvrant complètement la grande porte, découvrirent une rue vide. Une
charrette à bras avec une roue brisée avait été abandonnée sur le pavé, mais
aucun Français n’était visible. Les archers restèrent interdits un instant,
n’en croyant pas leurs yeux, puis les premiers cris fusèrent : « Au
butin ! Au butin ! » La première pensée était pour le pillage.
Les hommes se précipitèrent avidement dans les maisons mais n’y trouvèrent que
des chaises, des tables et des coffres. Tout ce qui avait de la valeur ainsi
que toutes les personnes vivantes se trouvaient désormais sur l’île.
D’autres archers pénétrèrent dans la ville. Quelques-uns
montèrent sur l’esplanade qui entourait le château et là, deux d’entre eux
moururent, atteints par des traits d’arbalète tirés depuis la forteresse. Mais
le reste se répandit
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