La lance de Saint Georges
Will
avec respect.
— Et moi de vous, maître Skeat, répondit Cobham.
Un murmure se répandit parmi les archers : Reginald
Cobham se trouvait au gué. Les hommes se tournèrent vers celui dont le nom
était célèbre dans toute l’armée. Un homme du commun comme eux, mais un vieux
guerrier craint par les ennemis de l’Angleterre.
Le comte regarda un piquet qui marquait l’une des extrémités
du gué.
— Je pense que l’eau est assez basse, dit-il en tapant
sur l’épaule de Skeat, allez, Will, va en tuer quelques-uns.
Thomas, en jetant un coup d’œil derrière lui, vit que toute
parcelle de terre ferme du marais était occupée par des soldats, des chevaux et
des femmes. L’armée anglaise s’était engagée dans les terres basses, comptant
sur la capacité du comte à forcer le passage. Loin vers l’est, bien que
personne ne le sache au bord du gué, le corps principal de l’armée française
traversait le pont d’Abbeville pour fondre sur les arrières de l’armée anglaise.
Une brise venait de la mer, apportant une fraîcheur matinale
et une odeur de sel. Les mouettes poussaient leurs tristes cris au-dessus des
pâles roseaux. Le lit principal de la rivière était à moitié vide et la
centaine d’archers paraissaient une force bien pitoyable tandis qu’ils
s’étiraient pour former une ligne et s’engageaient dans l’eau. Les hommes
d’Armstrong étaient sur la gauche, ceux de Skeat, sur la droite. Derrière eux
venaient les premiers hommes d’armes. Ceux-ci étaient tous à pied. Ils avaient
pour mission d’attendre que les flèches aient suffisamment affaibli l’ennemi,
puis de charger avec leurs épées, leurs haches et leurs cimeterres. L’ennemi
disposait de deux tambours qui commencèrent à frapper leur peau de chèvre, puis
une trompette retentit et, des arbres du camp français, les oiseaux
s’envolèrent.
— Attention au vent, cria Skeat à ses hommes, il
souffle fort !
Le vent soufflait en sens contraire de la marée, formant à
la surface de l’eau de petites vagues avec des crêtes blanches. L’infanterie
française criait, les nuages gris filaient au-dessus de la terre verte, les
tambours maintenaient leur rythme effrayant et les bannières flottaient
au-dessus des hommes d’armes qui attendaient. Thomas fut soulagé de voir
qu’aucune ne portait les faucons d’or sur champ d’azur. L’eau froide lui
montait jusqu’aux cuisses. Il tenait son arc haut levé, observant l’ennemi,
attendant que les premiers carreaux d’arbalète viennent siffler au-dessus de
l’eau.
Aucun carreau ne vint. L’ennemi était désormais à portée des
arcs, mais Will Skeat voulait qu’ils s’approchent encore. Un chevalier français
sur un cheval houssé de vert et de bleu s’avança jusqu’à ses camarades à pied,
puis il passa sur le côté et s’engagea dans la rivière.
— Ce pauvre imbécile veut se faire un nom, dit Skeat,
Jake ! Dan ! Peter ! Arrêtez-moi cet animal !
Trois arcs se tendirent et trois flèches partirent. Le
chevalier français fut repoussé au fond de sa selle et son affaissement
provoqua la fureur des Français qui poussèrent leur cri de guerre :
« Montjoie saint Denis ! », et les hommes d’armes s’engagèrent
dans l’eau, prêts à affronter les archers qui tendirent leurs arcs.
— Tenez bon ! cria Skeat, tenez bon !
Approchez-vous, approchez-vous !
Les roulements de tambour se firent plus fort. Le chevalier
français fut emmené par son cheval tandis que les autres Français revenaient
sur le sol sec. L’eau ne montait plus que jusqu’aux genoux de Thomas et la
distance diminuait. Une centaine de pas plus loin, Will Skeat fut enfin
satisfait.
— Maintenant, abattez-les ! cria-t-il.
Les cordes furent tirées jusqu’à l’oreille et relâchées. Les
flèches s’envolèrent et pendant que la première volée filait au-dessus de
l’eau, la seconde était déjà lâchée, et au moment où les hommes placèrent leur
troisième flèche sur la corde, la première toucha la cible. Cela produisit un
bruit de métal heurtant le métal, comme une centaine de petits marteaux
frappant l’enclume. Les Français s’accroupirent aussitôt derrière leurs
boucliers dressés.
— Piquez votre homme ! criait Skeat,
Piquez-les !
Lui-même se servait de son arc, sans précipitation,
attendant toujours que l’ennemi abaisse son bouclier pour lâcher la flèche.
Thomas observait la masse de l’infanterie sur sa
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