La lance de Saint Georges
devraient pas arriver
tout de suite, sire.
— Vous pensez qu’ils ne vont pas venir, William ?
— Ils vont venir, sire, mais cela va leur demander du
temps. Beaucoup de temps. Nous allons peut-être voir leur avant-garde à midi,
mais leur arrière-garde sera encore en train de passer le pont à Abbeville. Je
veux bien parier qu’ils vont attendre demain matin pour engager le combat.
— Aujourd’hui ou demain, dit le roi avec insouciance,
cela revient au même.
— Nous pourrions continuer notre marche, suggéra le
comte de Warwick.
— Pour trouver une meilleure colline ? dit le roi
en souriant.
Il était plus jeune et moins expérimenté que beaucoup de ses
comtes, mais il était aussi le roi et la décision finale lui incombait. Il
était vrai qu’il était rempli de doutes, mais il savait qu’il devait donner une
impression d’assurance. Il allait livrer bataille ici. Il le dit et le dit
fermement.
— Nous nous battrons ici, répéta le roi en regardant
vers le haut de la pente.
Il imagina son armée disposée sur la hauteur, telle que les
Français la verraient, et il comprit que son intuition était juste : la
partie la plus basse de la crête, celle qui était proche de Crécy, serait
l’endroit le plus dangereux. Ce serait son flanc droit, près du moulin.
— Mon fils commandera à droite, dit-il en désignant
l’emplacement, et vous, William, vous serez avec lui.
— Oui, monseigneur, dit le comte de Northampton.
— Et vous, dit le roi au comte de Warwick, à gauche.
Notre ligne s’étendra au niveau des deux tiers de la pente, avec des archers
devant et sur les flancs.
— Et vous, sire ? demanda le comte de Warwick.
— Je serai au moulin, dit le roi.
Puis il poussa son cheval vers le haut de la colline. Aux
deux tiers du chemin, il mit pied à terre, attendit que son écuyer vienne prendre
les rênes de la jument, puis commença le travail véritable. Il arpenta le
terrain, désignant les emplacements avec son bâton blanc et donnant les
instructions aux seigneurs qui l’accompagnaient. Ceux-ci envoyèrent leurs
ordres aux capitaines afin que chacun sache où se placer lorsque l’armée
s’avancerait sur cette longue pente verte.
— Qu’on apporte les bannières ici, ordonna le roi, et
qu’on les dispose là où les hommes doivent se mettre.
Il conservait la division en trois corps de bataille, comme
il l’avait fait depuis la Normandie. Deux d’entre eux, les plus importants,
formeraient une longue et large ligne d’hommes d’armes sur la partie supérieure
de la pente.
— Ils combattront à pied, ordonna le roi.
Il confirmait ainsi ce à quoi chacun s’attendait, bien qu’un
ou deux seigneurs parmi les plus jeunes fussent mécontents car il y avait plus
d’honneur à combattre à cheval. Mais Edouard se souciait plus de victoire que
d’honneur. Il savait bien que si ses hommes d’armes étaient montés, ces
écervelés chargeraient aussitôt que les Français attaqueraient et la bataille
dégénérerait en une mêlée au pied de la colline, que les Français
remporteraient parce qu’ils avaient l’avantage du nombre. Si ses hommes étaient
à pied, ils ne feraient pas la folie de s’attaquer à des cavaliers, mais
attendraient derrière leurs écus d’être assaillis.
— Les chevaux devront attendre à l’arrière, derrière la
crête, ordonna-t-il.
Lui-même commanderait le troisième corps, le plus petit,
qui, placé sur le sommet, servirait de réserve.
— Vous resterez auprès de moi, monsieur l’évêque, dit
le roi à l’évêque de Durham.
Celui-ci, armé de pied en cap et muni d’une masse d’armes
garnie de pointes, tressaillit.
— Vous me retirez l’occasion de briser des têtes
françaises, sire ?
— À la place, je vous laisserai fatiguer le Seigneur
avec vos prières, dit le roi.
Ce qui fit rire les seigneurs.
— Et nos archers, continua-t-il, seront ici, là et là.
Edouard savait que les archers étaient son unique avantage.
Leurs longues flèches feraient leur œuvre de mort à cet endroit qui invitait
les cavaliers ennemis à une charge glorieuse.
— Vous voulez des trous, sire ? demanda le comte
de Northampton.
— Autant que vous voudrez, William, répondit le roi.
Une fois que les archers auraient pris position le long de
la première ligne, on leur demanderait de creuser des trous dans la terre,
quelques pas devant eux. Il n’était pas nécessaire que ce soient de grands
trous.
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