La lance de Saint Georges
arbalétrier en jaquette rouge
et vert qui était à l’évidence le capitaine des Génois et lui demanda en
italien :
— La pluie a-t-elle affecté les cordes ?
— Beaucoup, admit Carlo Grimaldi, le chef des Génois.
Les cordes des arbalètes ne pouvaient être enlevées comme celles des arcs car
la tension était trop grande. Les hommes devaient se contenter d’abriter leur
arme sous leur jaquette.
— Nous devrions attendre jusqu’à demain. Il est
impossible d’avancer sans les pavois.
— Que dit-il ? demanda Alençon.
Le comte d’Astarac traduisit à Sa Majesté les propos du
Génois, et le roi, avec sa longue figure pâle, fronça les sourcils quand il
entendit que les longs boucliers qui protégeaient les arbalétriers des flèches
ennemies pendant qu’ils rechargeaient leurs instruments encombrants n’étaient
pas encore arrivés.
— Dans combien de temps seront-ils là ?
demanda-t-il plaintivement.
Mais personne ne le savait.
— Pourquoi n’ont-ils pas voyagé avec les
arbalétriers ?
Mais une fois de plus sa question demeura sans réponse.
— Qui êtes-vous ? demanda enfin le roi au comte.
— Astarac, sire, répondit Guy Vexille.
Il était évident que le roi n’avait pas la moindre idée de
ce qu’était Astarac. Il ne reconnaissait pas non plus l’écu de Vexille qui
portait une simple croix. Mais son cheval et son armure étaient tous deux de
prix, aussi le roi ne contesta-t-il pas le droit de cet homme à donner son
avis.
— Et vous dites que les arbalètes ne tireront
pas ?
— Bien sûr qu’elles tireront, intervint le comte
d’Alençon, ces maudits Génois ne veulent pas se battre. Et les arcs anglais
seront tout aussi humides.
— Les arbalètes seront affaiblies, sire, expliqua
tranquillement Vexille en ignorant l’hostilité du jeune frère du roi. Elles
tireront, mais n’auront ni toute leur force ni toute leur portée.
— Il vaudrait mieux attendre ? demanda le roi.
— Il serait sage d’attendre, sire, et tout
particulièrement d’attendre les pavois.
— Quel est l’horoscope de demain ? demanda Jean de
Hainaut à l’astrologue.
— Neptune approche, sire, la conjonction n’est pas
favorable.
— Il faut attaquer tout de suite ! Ils sont
mouillés, fatigués et affamés ! Il faut attaquer tout de suite !
exigea Alençon.
Le roi avait l’air dubitatif, mais la plupart des grands
seigneurs étaient confiants et ils lui assénaient leurs arguments. Les Anglais
étaient pris au piège. Leur laisser ne serait-ce qu’une nuit de délai serait
prendre le risque de les laisser s’échapper. Peut-être leur flotte allait-elle
se présenter au Crotoy ? Allons-y tout de suite, insistèrent-ils, même si
la journée est déjà très avancée. Il faut y aller et vaincre, et montrer à la
chrétienté que Dieu est du côté des Français.
Comme le roi était faible et qu’il voulait paraître fort, il
se rendit à cet avis.
C’est ainsi que l’oriflamme fut sortie de son étui de cuir et
portée à la place d’honneur, devant le front des hommes d’armes. Aucun autre
drapeau ne devait devancer cette longue bannière rouge qui se déployait sur sa
hampe croisée et que gardaient trente chevaliers qui portaient un ruban
écarlate au bras droit. On distribua aux cavaliers leurs longues lances, puis
les conrois se formèrent de sorte que les chevaliers et les hommes d’armes se
trouvèrent genou contre genou. Les tambours ôtèrent la housse de leurs
instruments, et Grimaldi, le capitaine génois, reçut l’ordre de faire avancer
ses hommes et de tuer les archers anglais. Le roi se signa pendant qu’un groupe
de prêtres se mettait à genoux dans l’herbe humide et commençait à prier.
Les grands seigneurs chevauchèrent jusqu’au sommet de la
colline, où les attendaient leurs hommes d’armes. À la tombée de la nuit,
pensaient-ils, leurs épées seraient trempées et ils auraient fait suffisamment
de prisonniers pour briser à jamais la puissance de l’Angleterre.
Car l’oriflamme allait entrer dans la bataille.
— Par les dents de Dieu !
Tout en se mettant sur ses pieds, Will Skeat paraissait
étonné.
— Ces salauds arrivent !
Sa surprise était justifiée car l’après-midi était très
avancée. C’était l’heure où les paysans s’apprêtaient à quitter les champs pour
regagner leurs maisons.
Les archers se levèrent et regardèrent. L’ennemi n’avançait
pas encore, mais une horde
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