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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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adresser une
prière, persuadée que la mère du Christ portait une attention particulière aux
femmes en difficulté.
    Tout d’abord, elle crut que l’église faiblement éclairée
était vide. Puis elle aperçut un arc anglais contre un pilier et un archer agenouillé
devant l’autel. C’était celui qui avait bonne apparence, celui qui portait une
longue queue de cheval nouée par une corde d’arc. Signe agaçant de vanité, se
dit-elle. La plupart des Anglais avaient les cheveux tondus, mais quelques-uns
les avaient d’une longueur extravagante et c’étaient ceux-là qui paraissaient
les plus sûrs d’eux-mêmes. Elle espérait qu’il allait quitter l’église, mais
l’arc abandonné l’intriguait. Elle le prit et fut surprise par son poids. La
corde pendait librement. Elle se demanda quelle force était nécessaire pour y
fixer l’autre extrémité de la corde. Elle appuya l’arc sur le sol et essaya de
le ployer. À cet instant, une flèche, qui avait glissé sur les dalles, vint se
loger sous son pied.
    — Si vous parvenez à tendre l’arc, vous pouvez tirer,
lui dit Thomas, toujours agenouillé devant l’autel.
    Jeannette était trop fière pour qu’on la voie échouer et
trop en colère pour ne pas essayer. Aussi tenta-t-elle de déguiser son effort
qui parvint à peine à incurver l’arc en if noir. Elle repoussa la flèche du
pied.
    — Mon mari a été tué par l’un de ces arcs, dit-elle
avec amertume.
    — Je me suis souvent demandé pourquoi vous, les
Bretons, et aussi les Français, vous n’apprenez pas à vous en servir. Si votre
fils commence à sept ou huit ans, madame, il sera capable de tuer en dix ans.
    — Il combattra en chevalier, comme son père.
    — Les chevaliers, nous les tuons. Il n’y a pas d’armure
qui résiste à une flèche anglaise, dit Thomas en riant.
    Jeannette frémit.
    — Pour quoi priez-vous, monsieur l’Anglais, pour
demander pardon ?
    — Je remercie Dieu, madame, dit Thomas avec un sourire,
parce que nous avons chevauché six jours durant en territoire ennemi sans
perdre un seul homme.
    Il se releva en montrant une jolie boîte en argent posée sur
l’autel. C’était un reliquaire pourvu d’un petit jour en cristal entouré de
perles en verre coloré. Thomas avait regardé par le jour et n’avait rien vu
d’autre qu’une petite chose noire de la dimension d’un pouce.
    — Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il.
    — La langue de saint Renan, répondit Jeannette avec
méfiance. Elle a été volée quand vous êtes entrés dans notre ville, mais Dieu a
été bon pour nous. Le voleur est mort le lendemain et nous avons retrouvé notre
relique.
    — Dieu est bon, assurément, dit Thomas avec concision,
et qui était saint Renan ?
    — Un grand prédicateur, qui a chassé les nains et les
gorics de nos fermes. On les trouve encore dans des lieux sauvages, mais une
prière à saint Renan suffit pour les effrayer.
    — Les nains et les gorics ? demanda Thomas.
    — Ce sont des esprits, de mauvais esprits. Autrefois,
ils hantaient toute la campagne et maintenant, chaque jour, je prie le saint
pour qu’il bannisse les hellequins comme il a chassé les nains. Vous savez ce
que sont les hellequins ?
    — C’est nous, dit Thomas avec fierté.
    Elle fit la grimace :
    — Les hellequins, dit-elle sur un ton froid, ce sont
les morts qui n’ont pas d’âme, des morts qui ont été si méchants durant leur
vie que le diable ne veut pas les punir en enfer. Il leur donne des chevaux et
les relâche parmi les vivants.
    Elle souleva l’arc noir et montra la plaque d’argent qui y
était fixée.
    — Vous avez même une image du diable sur votre arc.
    — C’est une éalé [4] , dit Thomas.
    — C’est un diable, insista-t-elle en lui jetant l’arc.
    Thomas l’attrapa et, comme il était trop jeune pour résister
à la tentation de montrer sa force, il tendit l’arc d’une manière désinvolte,
apparemment sans effort.
    — Vous priez saint Renan, je prie saint Guinefort. Nous
verrons lequel des deux est le plus fort.
    — Guinefort ? Je n’ai jamais entendu parler
d’elle.
    — De lui, corrigea Thomas. Il vivait dans le Lyonnais.
    — Vous priez un saint français ? demanda Jeannette
intriguée.
    — Tout le temps, dit Thomas en touchant la patte de
chien desséchée qu’il portait au cou.
    Il ne dit rien de plus à Jeannette au sujet de ce saint, qui
avait été l’un des préférés de son père – lequel,

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